Bonjour tous 😊
Que de jolies propositions dans vos élans créatifs de septembre pour le deuxième appel à textes du mois ! Embarquons sans plus attendre dans la découverte de ces précieuses participations que j’ai le plus grand plaisir à partager avec la communauté de la boutique…
Les textes ne sont relus qu’au moment de leur publication, et ce uniquement dans le but de vérifier qu’ils ne contreviennent pas au règlement de l’atelier d’écriture. Si le cas devait se produire, le texte ne serait tout simplement pas publié, sans autre recours possible de son auteur. La Petite Boutique des Auteurs n’est pas responsable des coquilles, fautes d’orthographe, syntaxiques ou grammaticales éventuellement présentes dans les textes qui participent au Rendez-Vous des Plumes. Merci d’en prendre note avant lecture.
___ Amelia
Thème-guide de septembre, deuxième AT : Nature (non obligatoire dans le traitement de la consigne)
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Type d’inspiration : Liste de mots à placer
⭐ Inspiration n°1
Adeline Rogeaux
Le sel griffait la peau. Tannée par le soleil, celle-ci, flétrie et froide, accueillait malgré elle les relents de la mer. Les vagues hurlaient sur le pont. Sur les corps fatigués de lutter. Et, interminable, sauvage, cruelle, la tempête n’en finissait pas.
Les marins, pourtant de solides hommes qui avaient déjà maintes et maintes fois combattu les éléments, dévoré les vagues et pêché la mer, pleuraient et priaient.
La vague scélérate était arrivée. Ils connaissaient son nom, sa force, et même son envie meurtrière de les voir chavirer, sombrer, dans l’océan pour les avaler, les mâcher, les vomir sur les fonds sableux et pourris de cadavres anciens et faune nouvelle. Ils la connaissaient et la redoutaient tellement. Son bleu poétique n’augurait, finalement, que de la mélancolie, quand on était intime avec elle.
Les hommes étaient accrochés, désespérément, sur les mâts, sur les voiles, sur le pont, ici sur une bouée, là sur le gouvernail. Et jamais ils ne lâchèrent. Et toujours ils prièrent ; leurs lèvres bougeaient dans des supplications vaines, l’air humide entrait dans leurs poumons brûlants.
La vague, immense, plus haute que les hommes, plus haute que la mer, plus haute que les cieux, tomba sur eux après les avoir agités en tous sens, après les avoir remués jusqu’à la nausée. Elle tomba sur eux, s’écrasa, comme si le ciel giflait la terre.
Et sa sœur, l’autre scélérate, arriva.
Et ce fut ainsi, longtemps, longtemps. Si longtemps que les marins ne comptaient plus les secondes entre les roulements. Leur bateau, si minuscule au regard du monde, n’était qu’un point noir sur l’écume bouillonnante.
Les marins, si jeunes, si naïfs, si vivants, luttèrent. Ils s’accrochaient encore, encore, en hurlant l’un à l’autre, se promettant de ne pas lâcher. Ils tombèrent.
Un. Deux. Trois. Quatre.
Et ils nagèrent sous les relents meurtriers, sous les roulis salés. Tapèrent les fonds rocailleux. Virent les poissons fuir devant leur allure incongrue, de créatures exotiques qui n’avaient rien à faire là, dans leur maison. Dehors, les hommes. Du vent, les marins.
Une main se tendit alors au-dessus de la rambarde, près du portillon. Un jeune homme remonta un autre homme. Un autre après ça. La mer, calme tout à coup, les laissa respirer. Ils se tinrent là, tous, sur le sol de bois et se comptèrent, soulagés. Ils ne pleuraient plus, trop essoufflés, trop remués. Et enfin, ils se mirent à genoux sous une pluie battante et acide qui les nettoyait sans relâche, en faisant glisser de leurs corps malingres le sable, les algues, les coquillages.
Ils touchèrent, avec soulagement, le pont, trempé, glissant, de leurs doigts fripés, comme moisis. Amers, pourtant, ils sourirent. Ils regardèrent les vaguelettes, embryons de leur mésaventure, et ils rirent. Ainsi donc, et pour toujours, ils le savaient, c’était ça. La mer. La vraie. Imprévisible. Indomptable. Vicieuse. Et si belle.
Les marins, en chantant le cœur léger, le corps sans peine, reprirent la route, naviguant de plus en plus loin dans le noir, sous la houlette des dieux anciens, ceux qui guidaient la mort vers sa maison dans un voyage sans fin. Ils naviguèrent pour toujours, dans l’invisible océan.
La coque, brisée, sombra. Le bateau mort-né, tout neuf, retapé pour son centième voyage, ne rentra jamais à bon port.
- Fabien Taunay
Miracle balnéaire
Sur le canapé, rêvait un petit enfant
Il disait à sa maman, véhément, criant:
“Un jour, tu sais, je braverais les océans
Et je te guérirais de ton fauteuil roulant”
Des grains de sel se déposaient sur ses paupières
Elle lui répondit: “bien, partons à la mer”
Il courut chercher son frère, “extraordinaire !”
Ils filèrent de bonne heure dans leur Corvair
La surface de l’eau émerveillait l’enfant
Mais cette énorme masse lui glaça le sang
Les vagues déferlaient, la houle ricanant
Les algues apparaissaient, s’échouant devant
Le regard humide, le regardait sa mère
Elle tentait d’y croire, au miracle éphémère
Sur l’or bleue surfait son enfant, un goût amer
C’était déjà ça: le miracle balnéaire ?
- Françoise Grandhomme
Elle choisit de vivre
Elle va
à petits pas sur le sentier
où s’éboulent les pensées noires.
Elle s’accroche aux souvenirs
fleurs blanches bordées d’épines.
Elle inspire à pleins poumons. Son regard fatigué se laisse saisir par un pâle rayon de soleil. Une feuille remue, une paire d’ailes claque le silence. Une souche de bois improvise un banc, son sac à dos tombe au sol, si lourd pour son poids plume. On dirait un petit oiseau ébouriffé par la tempête. Ses chaussures délacées, elle boit de l’eau, grignote une barre de céréales, s’évade à l’horizon entre ciel et mer. Le vent fraîchit.
Elle étreint les gestes muets
le regard qui la frôle.
Chaque pensée timbale
un écho en sourdine.
En bas, les vagues font leur boucan de mer. Elles ramènent un morceau de bois, ça l’intrigue, chasse ses idées fuguées trop loin. Elle descend sur la plage, les cailloux dégringolent, personne ne passe par là. Elle s’en fiche si elle tombe. Elle finit sur les fesses, ça la fait rire, ça la surprend. Une mouette lui jette un regard de mouette, la vie est si simple pour elle, elle retourne vite à son festin de chips sablés.
Au fond du paysage, le soleil trempe la mer dans un silence bleu. L’océan est devenu d’huile. Il faut continuer, secouer la magie bretonne, le camping est encore loin. Elle ramasse le bout de bois flotté, un de plus pour sa collection. Finalement elle remonte par un escalier de pierres creusé dans la falaise. Elle ne l’avait pas vu tout à l’heure, c’est étrange. Ça grimpe, elle se dit que c’était plus facile de glisser. C’est toujours plus facile. De retour près de son sac, elle avale les dernières gouttes de sa gourde, ça dégouline dans son cou. Et elle repart en se laissant happer par le coucher du ciel. Ses mollets durcissent, ses cuisses brûlent, son dos et ses genoux réveillés par les accrocs du chemin comptent les pas.
Elle va
et toujours pour demain
ce vide au creux d’hier.
Un sourire s’égare pourtant sur ses lèvres, au loin un château planté de coquillages, et une pelle oubliée. Ça fait un bruit de doigts de pied dans le sable, un dessin de sel sur la peau, un sourire chocolat sur la joue, une odeur de crème solaire. Trois couleurs d’un parasol frissonnent un souvenir ; l’enfant roulé dans sa serviette.
La mer se retire.
Elle croise des inconnus, s’enferme sous ses écouteurs, plante sa nuit, avale son sandwich jambon salade, douche son corps bronzé et sculpté d’efforts, glisse dans son sac de couchage, les cheveux encore humides. La fatigue avale ses cauchemars. Demain elle marchera encore.
De phares en phares, de criques en criques,
une pointe après l’autre,
elle va la maman,
ses pas soufflés par l’enfant.
Les barrières de travers, les chevaux, les croix défilent.
Elle trempe ses pieds dans les lueurs magiques pour reprendre son souffle, brasse l’océan à la recherche d’un secret, fait couler le sable à travers ses doigts, ne trouve rien. Sur la plage immense de sable blanc, où le ciel et les goélands flottent leur ombre emmêlée, elle s’allonge le temps de sécher son maillot.
Dans son filet elle attrape
les plumes de nuages.
L’enfant veille.
Il dessine dans le ciel
des messages pour sa mère.
Le soleil s’est caché, il ne sait pas quand il reviendra. Elle se lève, reprend sa marche. Elle ramasse les morceaux de bois, les coquillages. Les fleurs, elle les laisse sur son passage, elles sont ancrées à la dune, au vent, au ciel.
Sur le sentier des douaniers, elle randonne son chagrin jusqu’à vouloir l’épuiser. Elle pose des galets, écoute les mots sourds sur le chemin des bosses. Chaque jour elle muscle l’espoir, l’affine, elle combat l’envie de glisser dans les étoiles froides qui crèvent la voûte muette.
Elle se cramponne à l’idée de vivre. À l’idée de vivre sans le futur de son enfant sous ses pas.
Parfois une rencontre avec un chercheur d’or. Un photographe tente de capturer les rayons du soleil levant sur les façades des maisons de granit, en plein carreaux. Une artiste aux cheveux d’argent explore les dessins laissés sur le sable, par la mer et les algues. Encore de la magie. Comme elle, ils cherchent quelque chose, ou quelqu’un. Ils cherchent la présence invisible, ou l‘absence visible. Elle leur dit qu’elle veut passer le cap, sans dire le cap de quoi. La réponse se lit dans son regard.
Et elle va.
Quelque part elle avance.
Elle choisit de vivre.
- Luc Baudot
Une parcelle d’infini
L’air, saturé de sel, lui chatouille les narines. Jeen regarde la mer, assise à même le sable. Devant elle, les vagues alanguies laissent entendre un doux clapotis. En cette fin juin, le vent d’été s’amuse avec les nuages et les entraîne hors de son champ de vision, laissant un ciel uni sur lequel se détachent quelques mouettes en goguette. La mer n’est pas en reste, son ton est monochrome, uniquement perturbé par le brun d’algues flottantes qui, bientôt, s’échoueront sur la grève. La ligne d’horizon est à peine perceptible et le bleu du ciel prolonge celui de l’eau. La différence de teinte est subtile.
Perdue dans ses pensées, Jeen laisse filer le temps comme le sable entre ses doigts. Elle est seule sur la plage. La saison des serviettes et des parasols n’a pas encore commencée. Elle goûte la solitude et remercie ses anges de ce moment précieux.
La lumière rasante de fin d’après-midi rend les couleurs pastel et donne au paysage une allure d’aquarelle. Face à elle, peu à peu, se mélange ce qui jusqu’alors n’était pas uni : l’azur et l’aigue-marine se fondent et se confondent en une teinte unique qui relie ciel et mer. Le bleu envahit l’ensemble de sa vision. L’effet est saisissant. Où qu’elle pose son regard, elle voit le même ton. Elle est face à une toile aux dimensions si grandes qu’un musée tout entier ne pourrait la contenir, même en la morcelant. Elle contemple cet aplat gigantesque et pense « c’est cela l’infini, et j’en fais partie ». L’idée est enivrante, ses sens sont survoltés, elle doit fermer les yeux pour les apaiser. Un instant seulement.
Lorsqu’elle ouvre les paupières, loin d’être calmé, son esprit l’entraîne au cœur du tableau. Elle n’est plus spectatrice, elle fait partie de l’œuvre, pigment encore humide, parmi la multitude des touches que le pinceau vient juste de déposer : un point bleu pâle* au centre de l’immensité. Jeen est déboussolée : « Quelle leçon d’humilité, je suis si minuscule ! Et pourtant, si je n’étais pas là, il manquerait un point. »
Bientôt, elle le sait, la lumière changera. Le vent se lèvera, les nuées se formeront, l’écume rejaillira et la ligne d’horizon viendra les séparer.
Assise à même le sable, elle reste pourtant à regarder la mer, espérant que l’instant sera plus qu’effet mer.
*Un point bleu pâle « Pale Blue Dot » est le titre donné à une photographie de la planète Terre, prise à une distance de six milliards de kilomètres dans les années 90 par la sonde Voyager.
- Marie Thomas
L’aube pointait timidement le bout de son nez et je savais qu’il était l’heure de se réveiller. Je patientais sagement, confortablement installé dans le couchage qui m’avait été destiné. En quatre jours, nous avions changé d’environnement si souvent que je ne savais plus bien où je me trouvais. Pourtant, je ne sais pas pourquoi, ce dernier lieu dans lequel nous avions atterri m’inspirait plus que les autres. Au loin, le chant du coq annonçait que je ne me trompais pas sur l’heure et qu’il était temps de sortir. Les premiers bruits de pas dans la mezzanine se firent enfin entendre : j’allais pouvoir enfin sortir.
Une fois à l’extérieur, je fus accueilli par l’odeur iodée de l’air et une herbe humide couverte de rosée, signe d’une nuit fraîche. Je me plongeai dedans comme dans un bain. Le ciel était un camaïeu de rose et d’orange : il allait faire beau aujourd’hui. Le jardin, dans son immensité, se composait des parcelles d’herbes de taille inégales, dessinant un chemin tortueux. M’approchant des hortensias, je constatais que les araignées avaient pris possession des lieux durant la nuit, tissant des toiles impressionnantes entre les pétales roses et bleus. Tandis que j’explorais le terrain, j’entendis un premier sifflement qui me fit changer de direction, curieux de voir jusqu’où ça allait me mener. Sur un petit sentier qui m’était encore inconnu, les branchages s’entremêlaient et les aiguilles de pin se faisaient sentir sous mes pas. Dans ce cadre, loin des routes asphaltées et des bruits de moteurs, la nature avait repris ses droits. J’étais heureux et j’avançais d’un pas ferme et décidé, savourant cette atmosphère végétale. Je ne savais pas où j’allais, mais j’étais décidé de profiter de ce que m’offrait la nature.
Au fur et à mesure que j’avançais, une immense tâche bleue perçait au loin. Le bruit des oiseaux fut doucement rattrapé par celui des vagues. Je compris alors que nous nous rendions à la plage. Je m’arrêtais un instant pour contempler ce nouveau paysage. Le ciel semblait s’effondrer dans la mer, qui s’étalait à perte de vue. La marée était basse, laissant apparaître une immense plage de sable parsemé çà et là de tâches verdoyantes. Je n’arrivais pas encore bien à distinguer ce que je voyais : j’allais devoir m’approcher pour satisfaire ma curiosité.
Un petit sentier descendait sur quelques mètres avant de s’échouer sur une imposante étendue jaune et bleue. Je m’approchais des tâches vertes que j’avais observées plus haut : c’était des algues. Comme je les trouvais un peu collantes, je repartis aussitôt dans une autre direction. Alors que je courais, laissant l’air marin me transpercer de part en part, je fus stoppé par des bassins d’eau délaissée par la marée. J’avais cherché à m’éloigner de la mer, mais elle me poursuivait. Elles me renvoyaient mon reflet. Je sortis précautionneusement, mais le sel s’accrochait à moi avec autant de ferveur qu’une moule à son rocher. La sensation n’était pas spécialement agréable, mais je ne voulais pas y prêter attention. Face à cette incroyable étendue, j’avançais de plus en plus vite, laissant le sable s’agripper à chacun de mes pas, lorsque résonna au loin une voix familière :
— Tyson vient ici !
Je fis demi-tour sans demander mon reste. M’approchant de mon humaine préférée, je fus reçu par des caresses. Elle prit le soin de m’enlever une partie du sable qui s’était accroché à mes pattes et nous sommes repartis en direction du sentier. C’était la fin de ma balade matinale, mais ce n’était que le début de ma journée.
- Marina Leridon
Quel heureux hasard ! Voilà des mots que je côtoie tous les jours depuis une semaine.
Pourquoi ? vous demandez-vous.
Suis-je l’inspiratrice de cet appel à textes ?
Eh bien, pas du tout. Il se trouve que je suis en vacances en Bretagne. Dans le Finistère, pour être plus précise. Et plutôt le long de l’océan.
Ça y est ? Vous y êtes ?
J’entends déjà les mauvaises langues.
— Ah c’est facile de caser le mot « humide » quand on parle de la Bretagne.
— Par contre, pour le « bleu », elle va s’amuser. Trouver du bleu dans le ciel et l’océan dans ce coin relève d’une vraie gageure.
Et de ricaner bêtement.
N’en déplaise aux mauvaises langues (peut-être un peu jalouses ?), il ne faut pas oublier qu’il fait beau plusieurs fois par jour dans cette magnifique région.
Et si le ciel bleu n’est pas toute la journée au rendez-vous, l’Atlantique nous régale de magnifiques dégradés de cette même couleur.
Les vagues, plutôt petites, ajoutent au tableau une touche de vie que je ne me lasse jamais d’admirer.
Nous marchons tous les jours sur le sentier côtier. Souvent, nous descendons sur la plage pour marcher dans le sable, au bord de l’eau. Quand nous nous aventurons sur les rochers, nous prenons bien garde de ne pas glisser sur les algues. Elles sont traitresses et nous aurions vite fait de nous retrouver assis dans l’eau !
Ces vacances ne seraient pas complètes sans la gastronomie bretonne : huîtres, fruits de mer, poissons, crêpes… J’allais oublier le beurre. Ingrédient indispensable de tout bon repas. À condition qu’il soit sublimé par le sel !
— C’est bien beau tout ça mais : et la pluie ? Vous n’allez pas nous faire croire qu’il ne pleut pas ?
Effectivement, il pleut. Mais la pluie a eu l’élégance, jusqu’à présent, de ne se manifester que la nuit.
- Mhaly M
Je contemple ce vaste étendu depuis ma naissance,tout est de même à part les saisons qui ramènent des jours secs ou parfois trop humides.
Je connais tous les couchers de soleil et les soirs sans lune.
Mon environnement est fait de ce paysage fade et ennuyeux qui ne change jamais,je n’ai que les vagues pour discuter et la pluie comme amie,mon seul amusement c’est les gens.
Ils passent et viennent mais ne font jamais attention à moi,pourtant je suis toujours à la même place pour les contempler.
Parfois,ils viennent en groupe en organisant des festivals,ils amènent tout même leur bruit sans sens et font tous des mouvements dissemblables qui ont l’air de leur plaire. Ces créatures sont étranges et trop bruyantes pour ma tranquillité.
D’autres fois,ils viennent à deux tard le soir et marient leurs corps dans l’eau,ils disent que c’est la romance,ils appellent ça l’amour. Mais c’est quoi l’amour ?
Je n’ai jamais connu autant d’euphorie dans mon petit monde,je ne connais que le tango des vagues.
Une fois,il n’y avait plus de groupe,plus de deux mais une seule personne.
Elle était venue témoigner sa reconnaissance et conter son amour.
Elle disait : ” Merci mère nature pour tous tes bienfaits,pour ton paysage infini,pour ton ciel bleu,tes fleurs qui parfument mes jours,tes vagues qui me transportent d’un bord à un autre,merci pour le sel que m’offre la mer pour donner du goût à mon palais,merci pour tes algues que j’ignore l’importance mais qui ont leur place dans la création.Merci pour tout ce que tu me donnes et que je reçois avec amour. Je te serai toujours redevable.”
Elle est repartie heureuse et enchantée d’avoir ouvert son cœur mais,elle a chambardé tout mon monde sur son passage sans même se rendre compte que ces mots ont redonné vie à tout ce qui se croyait sans importance sur cette côte.
Depuis ce jour j’ai trouvé un sens à mon existence,j’ai trouvé ma place.
Une personne a su me remarquer et est reconnaissante de ma présence.
Je me dois de rester à cette place aussi longtemps que possible parce qu’il est nécessaire. J’attendrai encore et toujours sa venue jusqu’à la dernière pluie qui me donnera mes derniers moments de vie pour qu’elle aie la chance de me regarder une dernière fois en remerciant ma mère.
Il m’a fallu tout ce temps pour comprendre que mes jours n’étaient pas monotones parce que j’ai mon rôle à jouer pour mère nature.Moi, cette petite algue prisonnière de la mer des Caraïbes.
- Viviane Delaigue
Eclipse
Elle erre à l’abandon dans un décor sans visage.
Repliée à l’intérieur d’elle-même, elle est aveugle au monde qui l’entoure. Le silence avale le son de ses pas sur le bitume. Un pied devant l’autre dans cette longue robe noire qui l’encombre, elle évolue dans ce paysage qu’elle ne reconnaît plus. Encore un pas, et le sol devient plus meuble sous son pied, il glisse, elle s’enfonce. L’air humide l’enveloppe quand elle arrive sur la plage. Elle accueille avec reconnaissance les embruns de la mer qui masquent ses larmes. La danse des vagues l’hypnotise et la berce. Ses yeux se ferment et ses pensées divaguent. L’ombre de la nuit coule dans son esprit, l’enlace et répond à son âme. La mélopée qui monte de sa poitrine l’entraîne dans une douce torpeur. Elle se balance au rythme des vagues qui répondent en écho à sa douleur lancinante. Qui peut dire combien de temps elle reste ainsi ?
Elle se souvient. L’homme, leurs regards, leurs rires, leurs étreintes folles, ses colères soudaines, leurs cris, son silence, son regard méprisant, sa distance, sa hauteur. Enfin, le coup qui a déchiré son âme. Elle sursaute à l’évocation de ce dernier souvenir, la blessure se rouvre, la douleur se ravive, elle tombe à genoux. Le sel réanime soudain ses sens, brûle sa langue, agace ses sinus et crispe sa mâchoire. Dans un mouvement de paupières, ses yeux s’ouvrent brusquement tandis qu’un cri long et douloureux déchire sa gorge.
Mais seule la lune l’entend.
Elle s’approche de l’eau bleu sombre qui se confond avec le bleu noir du ciel nocturne. L’eau prise dans sa robe l’appelle. “Viens, encore un pas, viens, elle te délivrera”. Alors elle avance, s’enfonce toujours un peu plus dans l’eau noire à chaque foulée. Elle fixe la lune qui l’observe. Elle remercie l’eau qui l’accueille telle qu’elle est. Elle pèse plus lourd à chaque pas. Enfin, elle sombre, les yeux toujours tournés vers la lune, la main tendue vers les étoiles. L’eau se referme sur son visage, elle voit flou, elle perd pied.
Les vagues la bercent. Elle évolue désormais en paix, sereine parmi les algues.
- LsBgN
Le bord de mer en hiver, c’est la caresse des souvenirs qui reviennent avec l’éclat d’un coquillage, la tour d’un château de sable ou des galets polis sur les algues…
Mon manteau bleu me grattait sous l’écharpe. Je devais reprendre le chemin de cette ville étudiante, en bord de mer. Le train qui m’attendait alors en gare, bien à quai, c’était le Talgo et c’était quelque chose… Entre Paris et Barcelone, tout gris Franco qu’il était, il transportait son monde dans un reste de passé vieillot… Large et douillet qu’il était, on s’y endormait à souhait et telle était bien mon intention.
La veille à Maguelone m’en allant promener, j’avais savouré la morsure du soleil au creux des dunes. Autrefois ce rivage d’Hérault s’est paré d’une cathédrale et aujourd’hui pour lune, crapauds, chevaux et canes, elle affirme que dans la pierre, l’humain résiste aux jeux du temps, des vagues et du sable. On dépassait Agde et sa cathédrale noire, quand une voix fluette me demanda si elle pouvait s’asseoir face à moi. J’étais bien calée contre la fenêtre, elle ne me dérangeait pas. Elle était frêle, un sac en sky noir sur elle. Je dégageais mon cabas lui laissant le loisir de s’étaler un peu si l’envie l’en prenait. Elle me demanda si c’était bien le train pour Barcelone, je la rassurai. Je plongeais dans mon journal intime où j’avais commencé à raconter ma soirée et je reprenais la liste des romans de licence. Je rejoignais l’esprit de ceux qu’on avait appelés « rouges ». Ils étaient restés fiers de l’être, de défendre la jeune République qui amenait Lorca dans les campagnes et des livres à se mettre sous la dent, entre l’olive et le citron… De Lorca, les vautours n’avaient fait qu’une bouchée et à Collioure, Machado s’éteignit sur ce bord de mer humide qui brille de mille feux et où gisent ses vers.
J’étais vernie gâtée longeant ces plages où les barbelés avaient écorché paumes et flancs de ceux qui, comme Machado, pensaient se retirer sous des cieux de poètes mais se retrouvèrent en fin de compte, sale vermine exilée. Je franchissais les Pyrénées et cette frontière, là où Mont Canigou, l’imposant, monte la garde sans montrer les crocs.
Elle n’allait pas bien… Moi j’allais m’endormir mais elle voulait savoir ce que je faisais là-bas… C’était sa première fois. Je demandais à mon tour ce qu’elle ferait là-bas… Elle avait juste un rendez-vous à Barcelone… Elle venait d’Avignon. Je lui racontais : mes études et ma coloc. Elle cherchait une adresse. Je ne connaissais pas… Je n’avais pas de plan et il faudrait demander à l’Estació de França ou descendre au métro. Elle était jeune. Les yeux tellement cernés que je lui proposais de dormir et de la réveiller à l’arrivée, mais elle ne pouvait pas. Quelque chose n’allait pas. J’avais envie de sucre et lui proposais du chocolat mais elle allait vomir… La bonne idée à moi… Elle ne comprenait rien à l’espagnol et ne resterait pas. Quand je demandais pour quoi était son rendez-vous, elle soupira… Ce flou m’intriguait. Elle semblait bien embêtée. Comme j’adore Avignon, j’essayais d’en parler mais elle ne savait rien sur le Pont et quand je sifflais l’appel des festivaliers du Palais des Papes, elle s’étonna de m’entendre enchaîner tant de notes d’affilée… Je pouvais lui apprendre… Siffler, c’est si facile et on se sent léger… Chez moi on siffle à tout va, selon l’humeur. Cet instrument à vent avait résisté à la Retirada, au dépouillement et au manque de mots pour dire… Alors dans les vignes ou à l’usine, siffler, c’était coloriser une photo d’exilés. C’était sonoriser la vie pour la faire plus jolie.Mais apprendre à siffler l’estomac au bord des lèvres dans un wagon de seconde classe… Pas vraiment… Et elle s’agitait. On aurait dit un lièvre traqué quand elle balança : – « T’as déjà avorté ? »
Je comprenais tout à coup, les cernes, le regard vague et le sac sur elle. Je remontais mon col et un grain de sable dérangea mes doigts comme un scrupule. Il avait peut-être été coquillage mais, sans ses semblables et la mer, il redevenait poussière.
Je ne trouvais pas les mots et il est vrai qu’en matière de procréation, le français est ahurissant. Porter un enfant, c’est être « enceinte ». La ceinture abdominale enfle, ce que grossesse confirme. La fausse-couche est une façon sordide d’évoquer sans précision cet état de gêne et d’embarras. Quant au mot « avortement », il étrangle l’esprit, laissant au sigle IVG la lourde tâche d’abréger le supplice… Et cette fille était dans ce cas. Ses pupilles fuyaient mon regard désolé. Les murs gris couverts de graffs bariolés s’envolaient entre les câbles et les barbelés. Elle allait donc en clinique privée. Elle avait l’appoint pour cela. Demain, lundi, 9 heures.
D’autres grains de sable me grattaient la nuque, j’aurais dû mieux les secouer mais j’avais trop aimé m’allonger et rêver sur le sable froid… Ce soir il faisait froid à Barcelone. L’hiver, la nuit en plein air n’a pas de manteau agréable. Le Talgo ralentissait dans l’Estació de França. Non, non, elle ne voulait ni que je l’aide, ni que je m’inquiète. Je découvris qu’elle n’avait pas même de quoi payer le métro… Je n’allais pas la laisser comme ça. Carrer Santaló Laura écarquilla ses lunettes pour me signifier que « ça n’allait pas ma tête de ramener n’importe qui… » J’assumais tout : demain à 7 heures, l’inconnue du Talgo ne serait plus sous notre toit. Je me posais au salon cette nuit-là et je voyais le ciel et les lueurs depuis l’attique grand ouvert. L’Espagne accordait alors quelques jours de plus pour les femmes…
Elle se réveilla tôt et disparut sans que je sache qui elle était. On n’avait pas de portable en ce temps-là. Laura admit que pour nous, rien n’allait changer et on sortit au Luz de Gaz où chantait Lucrecia. Je pensais à cette jeune femme. J’osais espérer qu’elle retrouve sa flamme. L’important, c’était de chanter… Lucrecia la cubaine, chanta la poétesse argentine Alfonsina Storni et Mercedes Sosa… Ces femmes pleurent toutes la violence du sort sur l’une des leurs, et sa disparition dans une eau solitaire où le sel les porte. Cette jeune sans nom, j’ai failli l’oublier. Cette chanson « Alfonsina y el mar », je la chante toujours. C’est beau comme l’art s’accroche à la vie, partout et tout le temps…
Barcelone m’a beaucoup appris. Le catalan, la magie de Gaudí, mais aussi la valeur des femmes… Lorsque je vivais près des Ramblas, je découvris les trottoirs la nuit, pleins de murmures et de conflits. Les femmes qui circulent en sky sans avoir l’air de filles de joie parmi d’autres épaves qui les cabossent ou les évitent, les contournent par peur de leurs cernes trop lourds.
La vie et l’été surtout, réservent bien des surprises… Cet été-là, les remparts vibraient de mille feux. J’avais peu de temps… J’avais relu Césaire pour l’occasion. J’allais voir la « Tragédie du Roi Christophe », j’avais hâte et faim aussi. Je filais donc rue des Marchands, pour prendre un shawarma épicé. Je voulais aussi un thé et le serveur me fit attendre sur le côté. J’avais hâte d’entendre l’appel des festivaliers du Palais des Papes, quand on apporta ma commande. Une main habile fit gicler un long ruban mentholé sucré, resserrant aussitôt le plateau argenté sur son ventre. Dans un flash de lumière, je vis briller, droite dans ses bottes, l’inconnue du Talgo. Certes, son regard était un peu cerné et son tablier boudiné mais l’air bien assuré. Campée fièrement devant moi, elle siffla les onze notes de l’appel du Palais et disparut à l’appel du patron, digne et en toute discrétion, comme en d’autres circonstances.
Ma soirée s’annonçait délicieuse … Césaire à la Cour d’honneur… J’allais aimer, comme j’aime… La plage, les souvenirs, l’éclat d’un coquillage et des galets polis sur les algues…
- Sandrine Drappier Ferry
Assise à califourchon sur le muret du bord de mer, le long de la grande plage de Dieppe, Aline resserre sa veste légère à carreaux autour de son torse et remonte son foulard rouge dans son cou. C’est son premier séjour sur la côte normande et elle n’a pas envisagé que la météo en octobre puisse déjà être si hivernale. Un grand vent souffle depuis son arrivée, le fond de l’air est humide et la jeune femme regrette de ne pas avoir pris dans ses bagages son manteau d’hiver.
De temps en temps, quelques touristes égarés passent devant elle et la saluent. L’espace d’un instant, ils semblent comme liés par la même solitude. Il n’y a pas grand-chose à faire ici, hormis se balader, un peu désœuvré, dans la station balnéaire endormie où la plupart des magasins, restaurants et bars sont déjà fermés pour l’hiver.
Aline étend sa jambe droite devant elle. Il y a un petit trou sous le genou de son pantalon qu’elle n’a jamais pris le temps de recoudre. Il lui semble qu’il s’est encore élargi. Il faudra vraiment qu’à son retour elle pense à refaire l’accroc. Puis son regard s’éloigne au loin. Plus loin que la longue plage de galets, ronds et allongés, coupants et glissants. Plus loin que la mer lourde, grise, houleuse. Jusqu’aux abords de l’Angleterre qu’elle ne voit pas mais qu’elle imagine comme une sorte de terre promise.
Là-bas, se dit-elle, elle pourrait être une autre. Invisible. Une étrangère qui ne connaîtrait rien de ce pays, même pas sa langue. Là-bas, elle pourrait refaire sa vie. Tout reprendre à zéro. Tous les après-midis, Aline s’assoit sur le muret du bord de mer le long de la grande plage de Dieppe. Elle attend l’arrivée du ferry qui dépose les passagers en provenance de Newhaven. Elle les regarde descendre du bateau, à pied ou en véhicule, passer les dernières formalités douanières puis s’éloigner dans la ville. Il est dix-sept heures trente, la nuit commence à tomber. Alors Aline descend du muret, presque à regret. Elle se dit que demain, elle prendra un billet et qu’elle ira en Angleterre. Mais elle se dit cela depuis cinq jours et ne s’est pas encore résolue à le faire.
Elle longe le bord de mer, passe devant la piscine à ciel ouvert où des baigneurs à bonnets de toutes les couleurs nagent dans un grand brouillard, puis se dirige vers l’esplanade Rosa Leroy. Là, elle entre dans le cinéma. Deux films sont à l’affiche. Elle prend un billet pour le dernier Ken Loach. L’Angleterre, encore, comme un leitmotiv. Mais le film est sombre, il se passe presque entièrement à Londres, et parle de détresse sociale. Aline ressort encore plus déprimée qu’elle n’est entrée. En retournant rue Sygone où elle loue un petit studio, elle s’arrête dans une épicerie et achète une bouteille de vin rouge bon marché et un saucisson. Juste avant d’arriver, il y a une petite impasse. Aline y entre, enlève l’opercule de la bouteille et boit à même le goulot. Le vin est trop chaud mais il la réchauffe de cette journée morne. Elle ferme les yeux un instant. Quand elle les rouvre, un homme est là. Il est un peu plus âgé qu’elle -a déjà des cheveux gris— une haute stature. Machinalement, elle se recroqueville contre le mur, resserre sa veste contre elle. Mais, il sourit. Il a l’air bienveillant.
— « Je crois que vous n’êtes pas en meilleure forme que moi » dit-il.
Alors, Aline lui tend la bouteille et ils la terminent ensemble sans même parler puis prennent la direction du studio rue Sygone. Ils sont comme deux naufragés dans la ville, sans but, compagnons d’un instant, pour tuer le temps qui ne passe pas ici.
— Vous voulez monter ? Je vous préviens, je n’ai aucune boisson alcoolisée mais le café de la Dolce Gusto n’est pas mauvais.
Il accepte. Ils empruntent l’escalier jusqu’au troisième étage. Aline devant, l’homme derrière. Arrivés sur le palier, ils s’embrassent.
— Tu sais, je n’ai pas l’habitude de faire ça.
Il la fait taire en la conduisant jusqu’à la petite banquette clic-clac du studio.
Un peu plus tard, il demande ce café qu’elle lui avait promis. Elle se lève, nue, avec l’impudeur de ceux qui savent qu’ils ne se reverront plus.
— Alors, comme ça, tu es venue seule à Dieppe ?
— Oui, j’avais besoin de couper un peu avec le train-train habituel.
Devant ses yeux passe le visage de son mari, leur petit pavillon dans une ville moyenne de l’Est de la France, le chien, son cours hebdomadaire de remise en forme, son bureau encombré.
— la crise de la quarantaine ?
— Un cancer surtout. Tu n’as pas vu ma balafre ?
Aline montre son sein. La cicatrice rose.
Il allonge sa main, la passe sur le sein.
— Ca a été dur ?
Aline explique tout. La chimio et les rayons. Presqu’un an de traitement. Les cheveux qui tombent. La peur de mourir. La fatigue. Les seringues sous la peau qui déversent leur poison. Ce corps de femme qui n’en est plus un.
— « On n’a pas refait l’amour avec mon mari » lâche t’elle finalement dans un souffle.
Elle sourit. Se dit que c’est comme le vélo. Que ça ne s’oublie pas, finalement.
L’inconnu reste un peu abasourdi. D’avoir été le premier, depuis.
— Et tu fais ça souvent ?
— Tromper mon mari ? Tu es le premier. Et je n’ai pas le sentiment de l’avoir trompé. Déjà parce que mon corps m’appartient et que je peux en faire ce que j’en ai envie. Ensuite, parce qu’en couchant avec toi, je ne lui ai rien ôté, rien pris. Peut-être même que puisqu’il ne me touchait plus, je n’ai plus d’obligations morales vis-à-vis de lui. Parce que faire l’amour avec un inconnu, ce n’est pas de l’amour, juste du sexe. Comme une gymnastique. Alors, non, je ne l’ai pas trompé.
— En tout cas, j’ai beaucoup aimé.
— Parce que tu sais que cela sera sans suite, parce que tu ne m’aimes pas, parce que nous en avions besoin tous les deux…
— Et aussi parce que tu as été entreprenante, sexy, osée.
— Je devrais sans doute l’être plus avec mon mari alors.
Aline sourit, colle ses fesses à celles de l’inconnu à qui elle n’a même pas demandé son nom. Elle se sent déjà prête à recommencer.
A son réveil, il fait déjà jour. Aline a faim, une faim de loup. L’inconnu est parti, sans un mot. Dommage, se dit-elle, je serais bien restée au lit aujourd’hui.
Après son petit déjeuner, elle sort visiter le musée. Arrivée dans la cour du château, elle admire le point de vue. La mer qui remplit l’horizon. La ville qui lui semble moins grise que depuis qu’elle est arrivée ici. Soudain, elle a envie de lui parler. Elle sort son portable de son sac, compose un numéro.
— C’est moi. Je ne te dérange pas ?
Tout en parlant, Aline imagine son mari assis à son bureau, à la banque. Elle a presque envie de lui dire qu’elle a refait l’amour avec un homme cette nuit mais elle sait qu’il y a des choses dans un couple qu’il vaut mieux taire.
Au téléphone, elle se fait taquine. Séductrice. Comme avant ! La communication dure longtemps. Son mari a le temps. Ils rient. Finalement, elle n’a plus envie de s’enfermer dans un musée et reprend le chemin du bord de mer. Il lui semble qu’il fait moins froid aujourd’hui. Que la Manche est moins houleuse. Le ciel plus bleu, aussi. Les vagues sont encore hautes mais sont moins menaçantes. Pour la première fois, elle descend sur les graviers. Enlève ses chaussures, ses chaussettes. Trempe ses pieds dans la Manche. S’assoit sur les galets. Tripote un petit bouquet d’algues. Au loin, le ferry jaune continue inlassablement ses rotations entre la France et l’Angleterre.
Aline se relève, tourne le dos à la mer. Cela fait six jours qu’elle est ici et elle en a fait le tour de Dieppe. Il est temps de rentrer chez elle. De se pardonner d’avoir eu un cancer. Il faut à peine quelques instants à Aline pour refaire sa valise et prévenir son loueur qu’un événement imprévu l’oblige à partir, que déjà, elle galope le long des rues vides, vers la gare. Ce soir, elle sera dans les bras de son mari et qu’il ne s’avise pas de détourner la tête quand elle sortira de la salle de bains ! Elle est bien décidée à redonner un peu de sel à sa vie.
- Domie
Pour atteindre la bouée jaune
J’ai quitté les ténèbres pour trouver la lumière. L’ombre de mon passé n’est plus que le doux parasol qui m’aide à profiter du soleil de mon présent. Dans les malheurs d’hier, je prends conscience du bonheur d’aujourd’hui. Le parasol me protège jusqu’au rivage, quand je pose l’orteil contre le bleu des vagues. Le temps de l’enfance est fini ; je regarde l’océan de ma vie, l’éclaircie de mon avenir ; j’y plonge sans comprendre qu’il est rempli de mes larmes.
J’ai attendu si longtemps d’être là, de sentir l’espoir sur ma peau et le goût du sel contre mes levres. Il ne me reste qu’à nager vers le bonheur de la bouée jaune. Et je nage, et je nage, pleine de la perspective de la toucher. Et tandis que j’avance, le parasol s’allonge. De sa magie il me couvre d’une pénombre agréable. Celleux qui n’ont pas souffert ne savent pas. Ton passé parasol te donne la conscience du bonheur de ce jour. Tout ici est délectation. Quand les crampes me viennent dans les jambes et les bras, elles ne sont pas douleur, elles sont musculation. Elles sont la joie de sentir mon corps en mouvement.
Mon corps qui avance et avance encore, jusqu’à la balise couleur tournesol. Mais voilà qu’à mesure que j’avance elle s’éloigne. A chacune de mes brasses elle s’enfuit davantage. Et alors que mon corps hurle une douleur que j’ai du mal à nier ; je me surprends à rêver le repos. Dans cet étrange appel, je supplie le soleil sur ma peau. La bouée tangue vers le large et mon cœur se crispe de la sentir inatteignable. Ce fichu parasol me devient désagréable. Non, je ne peux céder, pas après des années de la souffrance du rivage : j’ai conscience de la joie de me baigner dans ce torrent de larmes. Alors j’oublie mon corps à ne le plus sentir ; j’oublie l’ombre qui me gêne ; me concentre on m’acharne, j’attendrai la bouée. Si je ne nage plus tout à fait, qu’importe, elle finira bien par s’arrêter. J’observe mon âme fuir à perte de vue ; mes muscles sont vides, j’ai stagné avant elle. Je me souviens de ce temps où je me persuadais que tout irait mieux le lendemain. Nous sommes le lendemain et je me noie épuisée.
Je refuse de céder, il ne me faut qu’un peu de repos pour mieux recommencer. Je ferme les yeux et flotte le dos contre l’eau. Le temps passe ; je m’endors, je vacille ; je dérive. Quand j’ouvre les yeux la bouée n’est plus qu’un point dans le large. L’espoir dans le courant s’est éteint. Sont-ce les larmes d’hier ou celles d’aujourd’hui qui rendent ma joue humide ?
Je peux poursuivre en vain ce chemin vers la mort ou retourner sur les rives d’une enfance brisée. Un étrange instinct de survie me ramène sur la plage.
Au fur et à mesure de mon parcours, je maudis le parasol dont je me félicitais autre fois. Je retrouve le manque d’une maman qui m’aimerait, tandis que la mienne m’ignore ou me rabaisse. Je frôle à nouveau la peur des coups de Papa. Je retrouve ma jupe soulevée dans la cour de récréation, mon pantalon touché par le mauvais garçon. Je me rappelle de lui si grand, d’elle immense, de mon père gigantesque, des injonctions de ma mère à l’infini silence, et moi, un peu plus petite chaque jour qui me laissais disparaître. Je me sens indécente de ne pas jouir de l’océan après tant d’années à dépérir sur la terre ferme.
La terre ferme, c’est pourtant là que je retourne, pour survivre, pour ne pas me noyer. En m’approchant d’elle je revis mon passé, effleurant mes souvenir comme autant d’algues sur mon chemin. Le parasol semble s’affiner, les fibres de son tissu s’abîmer. Tandis que j’espère le voir troué, je comprends ; il n’est pas l’ombre agréable qui m’aide à mieux apprécier le soleil, il est l’obscurité d’une enfance qui m’empêche de nager. Peut-être qu’aussi fort que cette idée me répugne, c’est bien dans mes souvenirs qu’il faut que je retourne. A mesure que je les affronte, je sens le soleil.
Souviens-toi le jour où tu as eu peur qu’il te tue ; souviens-toi le jour où tu as eu peur qu’elle t’abandonne. Et à mesure que j’ai mal, la lumière passe, la bouée étrangement se rapproche du rivage. Je peux presque la sentir, elle vient frôler mon pied. Souviens-toi, souviens-toi des insultes et des coups, souviens-toi de chaque blessure pour les guérir enfin. Et je me souviens, et je me sens vide, comme si je sortais de moi tout ce qui m’avait si longtemps rongée pour laisser la place aux joies à venir. Souviens-toi, souviens-toi, et je me souviens, je me souviens Maman ; je me souviens l’espoir que nous nous aimions un jour ; je me souviens avoir renoncé. Je me souviens la liberté de l’avoir accepté ; je me souviens de chaque peine pour les atténuer.
Puis j’atteins le rivage, puis je touche le mat du parasol. Je l’arrache du sable, il se transforme en coquillage. Que je le veuille ou non, je le porterai toute ma vie. Toi, mon passé tu seras toujours là, mais, à assumer tes blessures, je goûte à la joie de rencontrer la bouée jaune pour la toute première fois.
- Eloïsa Way
L’océan
Un paysage épuré dans les teintes de gris.
Du sable et des flaques d’eau à perte de vue, l’air est humide et chargé de sel.
Mon père me présente à l’océan et je suis subjuguée.
Cependant,nous sommes à marée basse.
Nous roulons sur une route ensevelie en d’autres heures. Je regarde à travers la vitre et observe le sable foncé et rendu brillant par l’eau.
La mer a été aspirée par les profondeurs mais elle reste là en surface tel un avertissement que tout peut basculer et qu’elle reprendra sa place et son pouvoir sur les hommes.
Alors les vagues lècheront le rivage déposant les coquillages et les algues vagabondes et faisant valser celles qui sont accrochées aux rochers.
Je comprends que le bleu du ciel ne se présente qu’en de rares instants, précieux et accueilli comme une bénédiction du Dieu des Mers.
Je découvre les huîtres que l’on cueille et mange à même le roc, les couteaux appâtés par le sel mais qui serviront d’appât pour d’autres pêches plus intéressantes.
La vie est rythmée par le vent, la pluie et les effets de la Lune sur l’océan.
- Emmanuel Brasseur
Les ficelles
Je tirais les ficelles, sous le porche, camouflé
Tu passais par hasard entre les algues entortillées
Comme la peur bleue
Comme le chant humide
Si doucement
Je tirais les ficelles et tu es passée
Comme le vent
Comme la vague
Si loin
Et mes mains
La porte
J’ai marché
Le soleil était haut
Je n’avais plus d’ombre
Sur mon front perlaient
Des papillons dorés
Des camarades
D’eau et de sel
Et mes pas
Poussière
- Fabrice Juéry
Les vagues déferlaient comme des grues en chaleur sur le sable humide, et moi, j’étais là, assis sur ma vieille chaise de plage défoncée, une bière à la main. Le sel de la mer pénétrait l’air et je le sentais sur mes lèvres. Une senteur d’iode dégueulasse couronnait le tout. Les algues pourrissaient dans l’eau, leur odeur se mélangeait au parfum et au bruit des vagues de l’océan. J’étais là, le ciel au-dessus de moi était d’un bleu intense, le genre de bleu qui te donne envie de foutre le camp et de tout laisser derrière toi. La mer, elle s’en foutait de tout, de moi, de ce putain de monde. Elle continuait de danser, de rugir, de tout emporter avec elle. C’était la leçon que j’avais apprise ici, sur cette plage, avec ses vagues, ses algues pourries, et cette humidité qui te colle à la peau comme une maîtresse qui ne te lâche pas. Alors, j’ai repris une gorgée de bière, j’ai regardé la mer, et j’ai compris que peu importe à quel point cette vie peut être salée, humide, et remplie de merdes, il faut la prendre comme elle vient, comme une vague qui te secoue jusqu’à ce que t’en ressortes différent, un peu plus abîmé, mais vivant. Les femmes sur la plage, elles étaient comme des vagues, elles aussi. Certaines étaient douces et délicates, se prélassant sous le soleil, le sable collé à leur peau. D’autres étaient plus sauvages, des amazones modernes avec leur propre aura. Les hommes, eux, les mataient comme des chiens en chaleur, leurs regards affamés fixés sur ces corps dorés et gorgés de soleil. Et ces femmes, elles savaient exactement ce qu’elles faisaient. Elles s’étalaient là, leurs seins nus exposés au monde, leur peau luisante de sueur et d’huile solaire, et elles te faisaient croire que t’étais le roi du monde, que t’avais une putain de chance de pouvoir les regarder. Tout comme la mer, elles étaient insaisissables. Juste quand tu pensais les avoir comprises, elles se retiraient, te laissant avec le goût salé du désir non assouvi. T’essayais de les tenir, de les garder, mais c’était comme essayer de retenir l’eau entre tes doigts. Alors, t’étais là, à contempler ces vagues de femmes qui se bronzent, à te demander si un jour tu pourrais vraiment les comprendre, les dompter. Mais au fond de moi, j’étais conscient que la mer et les femmes, elles avaient quelque chose en commun : elles étaient libres et c’était ça qui les rendait magnifiques. Alors, j’attrapais une énième bière, je la levais en l’air en signe de toast à la vie, à la mer, et aux femmes, et je me disais que même si je ne pouvais pas les posséder, je pouvais au moins les apprécier, les savourer, comme une bonne bière bien fraîche sous le soleil brûlant.
- Patricia Forge
Entre deux
Tu as du vague à l’âme.
Recroquevillé sur la plage désertée, tu aimerais emporter dans ton sac trop léger ce bleu des quatre saisons qui enivre ton cœur. Le sel de tes larmes se noie dans l’immensité du rivage.
Même les algues échouées te murmurent de rester.
Je sais ton déchirement, je sais ce dilemme constant qui tous deux nous habitent.
Et moi, petit elfe secret des forêts, j’aime tant partager avec mon prince de la mer le plaisir de baguenauder dans les bois verts, l’entrainer dans mon univers.
Allongés sur un tapis de mousse, prendre plaisir à t’ apprendre à aimer mon monde fait de l’odeur humide des feuilles, du bruit des fruits d’automne faisant ployer les branches avant de tomber sous un vent léger en faisant un bruit sourd.
Méditer en contemplant simplement les nuages qui font la course dans l’air plus froid du crépuscule.
Ecouter une petite pluie chanter, une pluie sentant bon le pétrichor, le sang des pierres qui dansent sous la lueur d’une pleine lune porcelaine.
Pour te consoler de délaisser son océan, te faire découvrir la plénitude de l’esprit en enlaçant le tronc sombre des frênes et des châtaigniers sous le doux murmure des sources cachées.
Nous sommes deux mondes, deux éléments. Le bleu et le vert. Le bruit des vagues et le craquement du végétal.
Une saison dans ton univers, une saison dans mes bois chargés de mystère.
A l’abandon du départ succède le bonheur d’autres émotions.
Nos cœurs rythment à l’unisson et nous alternons nos passions.
Tu regardes au loin l’horizon, tu as du vague à l’âme mais demain dans mes bras, sous les couleurs crépitantes de l’automne, ton sourire renaitra.
- Sarah Cherif
Des gouttes de pluies se déposaient sur les cheveux de Clara. Elles s’immobilisèrent quelques secondes pour ensuite glisser puis rouler sur ses épaules dans une course frénétique pour atteindre le sol et s’écraser sur le sable humide.
Prise dans le torrent de ses pensées, la jeune femme ne s’en rendit même pas compte. Même la pluie la plus virulente ne pourrait effacer son chagrin et nettoyer les blessures de son cœur.
Assise face à la mer, le regard fixé sur l’horizon infini tacheté de points blancs ; les audacieuses planches à voiles qui ont osé sortir par ce temps, Clara retint ses larmes, sa colère, son désespoir.
A ses côtés, Émile. L’amour de sa vie. Pour combien de temps encore ? songea amèrement Clara, peut-être est-ce déjà trop tard…
Le jeune homme contemplait lui aussi la mer dont les vagues déchaînées par le vent en colère, émettaient un bruit assourdissant. Son esprit était emprisonné dans une cage de pensées faites de regrets. Il voulait pleurer mais il n’arrivait pas. Il souhaitait crier sa voix n’émettait pas de son. Il désirait prendre la main de Clara dans la sienne, mais son corps ne lui obéissait plus. Ses yeux bleu clair, si purs, virèrent au bleu foncé, dont la teinte est opaque, un bleu éteint, miné, plombé.
Le vent sifflait fort et semblait murmurer des paroles étranges. Il chatouilla alors le nez de Clara qui éternua :
— Si je reste ici, je vais attraper froid, rouspéta la jeune femme, semblant enfin se rendre compte de l’endroit où elle se trouvait.
Tiré du labyrinthe de ses pensées par la voix limpide de Clara, Émile sursauta et renchérit aussitôt :
— Reste encore un peu, je…
— Quoi ? Répondit brutalement Clara, que veux-tu à la fin ? Cela fait une heure que nous sommes là et tout ce que tu as trouvé comme excuse c’est “Le stress”, “le travail”,” l’alcool”, non, ce ne sont pas des excuses, je ne comprends pas comment tu as pu me faire ça, moi ta femme, tu m’as toujours aimée, on s’est marié tôt, contre l’avis de nos parents et toi tu…enchaîna Clara. Mais elle ne put continuer, sa voix se brisa et quelques larmes roulèrent sur ses joues.
Elle se leva d’un seul coup, mais prise par un vertige, s’immobilisa. Émile en profita pour se lever à son tour et lui prit la main :
— Écoute, je t’assure que ce n’était qu’une seule fois, je te jure Clara, j’étais complètement saoul, je le regrette tellement tu sais, j’ai honte… J’aurais dû t’appeler, te dire que je me sentais mal après avoir été licencié mais tu sais j’avais honte, ce travail c’était tellement important…Clara dégagea sa main de celle d’Émile et recula en arrière :
— Tellement important, répéta-t-elle en articulant les mots, ce travail…Plus important que moi j’imagine, oui bien sûr, et pour te consoler tu as trouvé cette fille et elle, elle a bien su te remonter le moral !
En colère et triste à la fois, Clara commença à marcher d’un pas rapide au bord de l’eau. Les algues entouraient ses chevilles et semblaient vouloir ralentir sa démarche. Mais elle avançait encore plus vite, s’écorchant les pieds sur les petits coquillages. Émile, resté derrière, dû presser le pas. Il criait son prénom avec la force du désespoir mais avec le vent, la pluie qui se faisait plus forte, le cri des mouettes, et le début d’un brouillard, il la perdit de vue.
Les algues s’agglutinaient de plus en plus autour des jambes de Clara, qui sans s’en rendre compte, s’était enfoncée un peu plus à chaque pas dans la mer. Elle se trouvait maintenant l’eau au niveau du nombril et lorsqu’elle en prit conscience, elle essaya de retourner au bord de l’eau mais une vague immense, surgit de nulle part, la submergea…
Elle tenta de crier mais elle avala de l’eau dont le goût du sel lui brûla la gorge. Elle battait des bras et des jambes essayant de nager mais elle n’y parvient pas, le courant étant trop fort et la poussant toujours plus vers le fond.
Émile était très inquiet. Il avait parcouru la plage de long en large et ne voyait plus Clara. Il prit sa tête entre ses mains et se dit que tout était sa faute, que s’il n’avait pas trompé l’amour de sa vie, ils n’en seraient pas là. Désespéré, il commença à entrer dans l’eau, essayant d’apercevoir le gilet jaune que portait sa bien— aimée. Le vent lui griffait les oreilles et le brouillard lui voilait la vue. “Clara ! Clara !!”. Il s’enfonça un peu plus et soudain il la vit.
Son gilet jaune était comme un point lumineux dans l’eau. Il tenta de s’approcher malgré le courant et finit par arriver jusqu’à la jeune femme, qui épuisée par tant d’efforts, s’était évanouie.
“Clara ! Je suis là !” cria Émile et il mit son bras autour de la taille de Clara. À ce contact la jeune femme rouvrit les yeux et vit brièvement son mari avant de les refermer.
Ce dernier tenta de nager. Il portait à lui seul le poids des deux corps et bataillait contre les vagues. Il avalait de l’eau, la recrachait, et essaya du mieux qu’il put de garder la tête de sa femme hors de l’eau. Mais le courant était trop fort. Émile mit toutes ses forces dans ses jambes et son bras pour tenter de le contrer.
Soudain, une vague plus grande que toutes les autres s’abattit sur lui et sa femme. Puis, plus rien. Le noir total.
Le chien. Le gilet jaune. Les secours. Le blanc.
Clara ouvrit les yeux. La lumière blanche lui fit mal. Quand elle s’habitua enfin, elle distingua une petite pièce avec un tableau représentant des fleurs accroché sur un des murs. Elle était allongé sur un lit aux draps blancs. Elle tenta de se redresser mais une douleur lancinante la stoppa net.
Une femme vêtue de blanc entra sans prévenir dans la chambre :
— Vous êtes réveillée, c’est une bonne nouvelle, je préviens le médecin.
Le médecin ? Alors Clara comprit qu’elle se trouvait à l’hôpital et tout lui revint. La dispute avec Émile, la mer où elle avait failli se noyer, Émile qui tentait de la sauver.
Elle regarda autour d’elle mais ne vit pas son mari. Où est-il ? Paniquée, elle se leva brusquement en grimaçant de douleur et sortit précipitamment de sa chambre afin de trouver celle d’Émile. Elle marcha dans le couloir de l’hôpital mais ne la trouva pas. Elle commençait à se sentir mal, le souffle court, le cœur battant la chamade, “Émile où es-tu ?” murmura-t-elle. Elle sillonna ainsi les couloirs, monta à l’étage pieds nus et vêtue d’une blouse verte, le corps criant de douleur. Mais son mari était introuvable.
Elle arriva devant le secrétariat et demanda à bout de souffle :
— Avez-vous vu mon mari Émile ?
— Qui est Émile, madame ? répondit la secrétaire.
— Mais ce n’est pas possible, il…
— Clara ? Prononça avec douceur une voix familière.
— Émile ?! S’écria Clara en se retournant avec les dernières forces qu’il lui restait.
Le jeune homme était là, debout devant elle, un bras dans un plâtre.
— Mon Dieu, Émile tu es là, et Clara se jeta dans ses bras oubliant totalement sa douleur. Émile la serra doucement, soulagé.
Ils retournèrent dans la chambre.
— Tu dois te reposer maintenant, le médecin ne va pas tarder à venir, dit Émile à Clara.
Ce dernier arriva peu après.
— Vous avez eu de la chance, Madame, de vous en être sortie avec cette tempête. C’est le chien d’un promeneur qui vous a vus vous et votre mari allongé sur le bord de l’eau, inconscients. Mais ne vous en faites pas le bébé va bien. Sur ces mots, le médecin sortit.
Clara n’en crut pas ses oreilles. Elle était enceinte ? Elle regarda Émile, craignant sa réaction.
— Mon Dieu, Clara nous allons avoir un enfant ! balbutia Émile.
Il se mit à genoux devant sa bien-aimée et les larmes aux yeux lui demanda :
— Pardonne-moi pour tout Clara.
Cette dernière le regarda, songea à sa colère, sa tristesse et sa rancœur suite à l’adultère de son mari mais ses sentiments, elle le sentait, avec le temps commenceraient à s’estomper. Elle prit le visage d’Émile entre ses mains et le regarda droit dans les yeux :
— Je t’aime Émile, sache que ce n’est pas dans la mer que je me suis noyée mais dans le bleu de tes yeux et ça personne, même pas toi, ne pourra m’en sauver…
- Yasmine Becha
Les 4 saisons
Les saisons viennent puis partent laissant une rivière de souvenirs
Allumant les bougies de l’âme fondant les montagnes de larmes Relançant le passé inconnu, le passé obscure. En cette saison là où il faisait mauvais l’atmosphère était bleu et triste
Les douleurs étaient gravées sur les troncs
Les feuilles frissonnaient dans branche humide
Ton âme était sèche, ton cœur était stérile,
Tes mains étaient glacées et ton parfum commençait à disparaitre.
En ce moment-là, j’étais consciente que l’automne était arrivé.
Les saisons changent à nouveau
En cette saison là où faisait froid Où j’étais blessée par toi
Sous la pluie bleue, je perdis ton parfum
Le pétrichor se dégageait de la terre
Au face au vent, Je jetais un coup d’œil à la terre et j’observais une petite fille désespérée,
Portant dans ses mains blessées une fleur vivante
Me regardait avec des yeux pleins d’armes et d’un regard perdu
Elle perdait l’existence et elle absorbait le vide
Elle s’approchait doucement, les pieds nus et me donnait la fleur
Le soleil palissait face au froid qui s’installait,
J’avais peur, et j’étais agitée, je prenais la fleur avec prudence
D’un coup je plongeais dans un autre monde …..
Les saisons changent à nouveau
En cette saison où il faisait beau, j’étais épanouie d’amour et pleine d’espoir
Je goutais le fruit de bonheur
La vie était rose, la mousse verte formaint un tapis doux
Tu étais toujours à mes côtés .Etait-ce le printemps ?
Nous étions heureux ensemble, main dans main. Je t’ai donné ma confiance, tu m’as donné le sacrifice
Je t’ai donné mon cœur et tu m’as donné ton âme
Mais, pourquoi le printemps ne continue-t-il pas ?
Les saisons changent à nouveau, En cette saison où il fait chaud,
Je suis en combat avec les vagues, J’envisage la réalité amère entre les algues,
Je crie à haute voix cherchant la solution
Le vent m’appelle à se libérer, je suis tiraillée entre le présent et le passé
C’est le temps de se lever et de casser les menottes, C’est le temps d’avancer et d’aimer moi-même
Je suis indépendante, je suis forte, je suis ravie
Les pigeons me félicitent en ouvrant les ailles dans le ciel bleu
Toute la nature me partage la sensation de la victoire
Le nuage noire se disparait, le temps est agréable .Entre les vagues j’ai laissé la petite fille naïve, elle disparaissait comme du sel en plein mer
Et je rencontre la nouvelle femme, la forte, la courageuse et l’indépendante
Qui ne n’abandonnera jamais et qui ne se soumettra à personne .L’été est beau aussi !
Merci pour toi. Tu m’as donné la chance d’envisager mes obstacles et de surpasser mes faiblesses.
Il ne reste que cette fleur rouge que tu puisses la récupérer
Tu n’étais qu’une expérience dans ma vie, une belle expérience qui m’a appris les quatre leçons de la continuité.
- Frédéric Delhaie
Les autres
Le ciel n’était que nuances de gris, bien que de temps à autre un peu de bleu parvenait à s’échapper, et la mer laissait une impression de calme. Devant moi, la côte déployait ses rochers pointus et à quelques dizaines de mètres du continent, j’apercevais une île minuscule. Elle ressemblait à la description que m’en avait faite mon ami, avec sa taille modeste et cette sorte de petite place forte transformée en habitation.
Je me résolus à demander mon chemin à un pêcheur qui se tenait non loin de moi. Il avait tout ce dont on pouvait imaginer du pêcheur breton. Il semblait vieux avec une chevelure très blanche. et il portait en outre fort bien une généreuse barbe. Pour un enfant, il devait ressembler au Père Noël ou à l’un des ses employés.
— Bonjour, dis-je.
— Bonjour me répondit l’homme avec un fort accent, peut-être du Sud-Ouest. Ceci constituait déjà une incongruité.
— J’aimerais me rendre sur l’île qui est là, dis-je, tout en la désignant du doigt… Comme puis-je faire ?
— Vous voulez aller sur le caillou miteux là ? Il faut attendre que la mer, elle soit basse.
— Et ça va être long ?
— Là, la mer elle est occupée à descendre. Si elle fait pas de conneries en chemin, d’ici moins d’une demi-heure, vous pourrez y aller sur votre caillou. Mais qu’est vous voulez y faire donc ?
— J’ai un colis à remettre à la personne qui y vit …
— Ah bon ! Une personne vit sur le caillou. J’aurais pas dit, voyez… Sur la carte, elle s’appelle l’île pouilleuse, parce que voyez, quand on la regarde, elle est petite et elle fait pouilleuse. Il n’y a presque rien dessus. Nous, dans le pays, on l’appelle l’île aux damnés à cause que pendant la révolution, on a tué dessus des prêtres et puis aussi pendant la guerre, les Allemands y ont fait des saloperies. Entre les deux, il y a eu aussi des choses… Beaucoup… Une dame brune, torturée et violée il paraît… Mais bon… Moi je veux pas savoir. Personne dans le pays va dessus. Quelquefois, la nuit, on entend des bruits bizarres. Les anciens disent que c’est l’âme de ceux qui sont morts. Moi je crois pas aux fantômes, mais j’y vais pas quand même… Dans le doute, on sait jamais…
— Ce sont des histoires ça…
— Oui, vous m’avez l’air d’être intelligent, vous venez de la ville. Pour vous, ce sont des histoires de vieux paysans ou de vieux pêcheurs. C’est pas grave. Ah, je vois que vous avez une petite croix avec le Jesus. C’est bien. C’est bien. Ça peut servir… Tenez, pendant que nous parlions, la mer a découvert le chemin. Vous pouvez aller sur votre caillou… Prenez garde aux algues, les pierres du chemin glissent.
Mon ami Loïc m’avait demandé ce service. Il s’était bêtement démoli le genou. Une entorse, vilaine, très vilaine, elle l’empêchait de se déplacer. Il m’avait bien évoqué une île avec un chemin pour s’y rendre, mais je n’avais pas imaginé que l’accès allait dépendre de la marée. Il n’avait pas été question non plus de spectres, de monstres et de damnés. À vrai dire, je ne croyais pas du tout à cette histoire, même si le vieux était parvenu l’espace d’un instant à me faire dresser les poils.
Loïc m’avait parlé d’une jeune femme qui habitait sur une île. Elle était de ses amis. Comme Loïc connaissait beaucoup de monde et qu’il inspirait confiance, elle lui avait confié un bijou très ancien dont elle avait hérité. La dame souhaitait le faire expertiser et surtout le récupérer au plus vite tant elle y était attachée. Loïc avait tant de fois été présent lorsque j’étais en difficulté que je ne m’étais pas senti en droit de lui refuser mon aide.
Je m’engageai sur le petit chemin encore humide de la mer. Il ne me fallut pas bien longtemps pour rejoindre l’île. Maintenant que j’en étais au pied, le caractère inquiétant de la haute bâtisse m’apparut. Au deuxième étage, une porte-fenêtre donnant sur le balcon était grande ouverte, j’en fus étonné pour la saison. Pour rejoindre cette maison, il fallait gravir un long escalier. L’ensemble était intact, les épais murs de pierre des fortifications avaient résisté au temps et au sel.
Il ne me fallut pas longtemps pour franchir la porte et pénétrer dans la cour. Une nuée de corbeaux prit son envol dans un fracas épouvantable. Il ne restait qu’une porte de praticable, les autres avaient été murées. Je savais donc où me rendre.
À l’intérieur, j’eus tout de suite une impression de temps arrêté. Il n’y avait là aucun bruit, aucun son, même pas le choc des vagues et du vent, même pas le tic-tac d’une grosse pendule. Il flottait comme une odeur de poussière et d’humidité et en humant profondément, on ne devinait même plus celle de la vie. Je me risquai à appeler. « Il y a quelqu’un ? ». A ma grande surprise, il y eut une réponse. J’entendis une voie de cristal, douce, lointaine, presque éteinte. « Au second, je vous attends ».
L’instant suivant, j’entrais dans la chambre comme on entre sur scène, quasi pétrifié par la peur et au bord de l’asphyxie. Elle était là, devant moi. Elle était assise dans un lourd fauteuil et me regardait fixement. Je sentis un souffle glacial me parcourir la nuque et le dos. Elle était de noir vêtue et sa peau était si pâle que sa blancheur perçait la pénombre de la pièce. Heureusement, elle me parla ; dans le cas contraire, je serais sans doute mort sur place tant la peur m’étreignait.
— Je vous attendais.
— J’ai votre bijou madame.
— Ma broche… Ouvrez le paquet et placez cette merveille sur ma tête, s’il vous plaît.
Il ne parut pas raisonnable de refuser. Tandis que je plaçais l’objet, ma main effleura sa chevelure très noire. Mes doigts furent comme pétrifiés par un froid intense.
— C’est si bon. Soyez gentil. Fermez donc cette fenêtre, j’ai si froid.
— Bien madame.
Je fus heureux de saisir ce prétexte pour m’éloigner d’elle. Je refermais vigoureusement l’ouverture et lorsque je me retournais, la dame n’était plus là. Je pris la décision raisonnable de fuir de cet endroit. Certainement, il allait m’entendre Loïc. Je ne revis pas le pêcheur. Chez moi, je ne parvins pas à joindre mon ami. Durant des heures, son téléphone sonna dans le vide… Ensuite, je n’eus plus de nouvelles de lui.
J’engageais de longues recherches, en vain. Je ne lui connaissais pas de famille, mais nous avions des connaissances en commun. Lorsque je les interrogeais, elles me répondirent toutes qu’elles n’avaient jamais connu de Loïc.
⭐ Inspiration n°2
- Athénaïs Grave
On a grimpé à en perdre haleine sous la pluie battante. On a cru cracher nos poumons et en abandonner les alvéoles sur les graviers. On a bravé la boue et le sol glissant. On est tombés parfois, on s’est relevés à chaque fois et on a continué à avancer.
Et maintenant, on est là, à briser le vent qui frappe nos tempes et à respirer le pétrichor qui emplit nos narines. La nature, dans son plus simple appareil, nous a mordus. Elle nous a repoussés de toute sa puissance pour garder pour elle son trésor. De peur, sûrement, qu’on le bafoue, encore.
On reste ici, au sommet d’une de ses plus belles créations. Trempés et transits de froid, mais heureux d’avoir résisté.
On s’assoit sur le sol mouillé, qu’importe, cela fait longtemps que nos vêtements ne nous protègent plus de l’assaut des eaux. Et on contemple cette force qui habite ces montagnes à travers notre vue brouillée par l’averse qui ne saurait cesser. Notre présence ici n’est pas désirée. Dame Nature est désormais méfiante envers les membres de notre espèce, et comment lui en vouloir ?
Alors, nous restons là, immobiles, le temps qu’elle nous accepte dans son antre.
Les secondes, les minutes, les heures passent. C’est tout juste si nous sentons encore un semblant de vie dans nos extrémités engourdies. Finalement, Dame Nature ne semble pas avoir détecté en nous de vils agresseurs et décide de nous accorder la vision de ses merveilles. Elle écarte un nuage de son ciel défensif, découvrant ainsi le soleil qui réchauffe nos peaux. Ses larmes cessent. Et le paysage à nos pieds se révèle.
Quel spectacle ! La nature immaculée. Un miracle dans notre monde conservé dans un écrin de vie inviolé, comme un secret bien gardé. On a admiré le vert sur fond blanc, le bleu qui scintille et l’arc-en-ciel naissant. On a bu ce monde à noyer nos pupilles et quand nos yeux furent enfin repus, on est repartis par ce même chemin abrupt par lequel on était venus. Effaçant toutes traces de notre passage. Le retour nous a paru moins éreintant, comme si Dame Nature et nous, nous étions apprivoisés. Puis, on s’en est allés et on a laissé se rendormir la Terre.
- Chris Falcoz
Je déteste la pluie
La pluie me dégoûte. Je me sens spongieux rien qu’à regarder les gouttes dégouliner de long de mes gouttières. Je regarde les égouts qui dégorgent et me donnent envie de régurgiter le peu que j’ai réussi à avaler au petit déjeuner.
Une accalmie. Je sors. J’abhorre l’odeur du pétrichor. Je me bouche le nez, mais pour mes oreilles, je ne peux rien faire. Dehors, ça ragote, ça radote. Ça me fait comme une craie dans la cervelle, ça crisse, ça me crispe. Les remarques, les avis non sollicités, les banalités et les lieux communs sont autant de coups de tatanes sur mon crâne.
Je déteste mes voisins. Je déteste mes amis. Je déteste les gens qui m’approchent, qui m’abordent, qui m’accrochent, et surtout qui jacassent. « C’est la vie ! » qu’ils disent. Possible. « Ils » ont sûrement raison. Est-ce que ça veut dire pour autant que j’ai tort ? Moi la vie, je ne la vois plus à travers cette pluie. Je ne vois plus que la mort, quel que soit l’endroit où me mènent mes pas.
Les nuages m’écrasent, le vent et le froid me glacent du bout des orteils jusqu’à la racine des cheveux. Les gouttes me giflent, me griffent, me donnent envie de m’arracher la peau, les cheveux, de me cogner la tête contre le premier mur venu. Il pleut sans discontinuer aussi bien dehors qu’à l’intérieur. Chez moi, c’est tout aussi insupportable, mais au moins, j’y suis seul.
« Avec le temps qui passe, tout passe ! » qu’ils disent. Je déteste leur fausse bienveillance, leurs sourires de connivence, comme s’ils pouvaient comprendre. « On sait ce que c’est » qu’ils disent. Ah oui ? Vraiment ? Si c’était le cas, tu ne me sortirais pas de telles inepties, de telles niaiseries. Si c’était le cas, tu déguerpirais et tu me foutrais la paix.
« On est tous passés par là » qu’ils disent. C’est censé servir à quoi une remarque pareille ? Me remonter le moral ? Ils ne sont qu’une meute de toutologues qui parlent pour ne rien dire. Des chiens qui aboient. J’ai envie de leur cogner dessus, que leur sang ruisselle autant que la pluie, que cessent leurs maladresses qui me heurtent, qui m’écorchent, qui me laissent en lambeaux.
Je déteste la pluie. Je déteste cette pluie qui ne cesse de tomber de mes yeux aussi lourdement qu’elle tombe du ciel.
Maman est morte.
Et depuis, dans mon cœur, la pluie ne peut plus s’arrêter.
⭐ Inspiration n°3
- Flavien Liger
La mousse poussait déjà et recouvrait tout. Derrière un tronc elle épie, tout lui paraît si différent, la couleur semble avoir disparut en même temps que les arbres. Elle aperçoit un être qui d’une main crache de l’eau sur de la terre. Dès qu’il tourne la tête, elle se met à se cacher par peur d’être aperçue. Ses occupations étaient assez peu variées, sa forêt et ses moindres recoins l’occupaient depuis tellement longtemps. C’est pourquoi sa curiosité la pousse à briser le tabou et se pencher sur son nouveau voisin. Elle se souvient du bruit soudain et des oiseaux effrayés, s’envolant à l’opposé du bruit. Le chemin inverse du sien qui voulait savoir ce qui se passe. Devant son regard des monstres de métal, rase un bout de son terrain de jeu pour le remplacer au fil des jours par un cube gris, jusqu’au jour ou le bruit s’arrête et son nouveau coin de curiosité reprend un calme serein. Mais rapidement un être apparu, il se dirige vers le cube et disparaît. Depuis son apparition, toutes ses pensées sont dirigées vers lui. De temps en temps, le voilà dehors pour arroser ou entrer dans sa forêt pour venir voler des champignons. Elle prend garde à le suivre au loin, venant parfois s’asseoir sur une branche pour le surveiller. Jusqu’à présent jamais il ne réussit à la voir, elle était sur son terrain chaque recoin lui est familier. Mais plus d’une fois il se retourne comme s’il sentait son regard.
Ce petit jeu continue des jours, des mois, l’été finit, l’automne commence et les feuilles tombent, les arbres laissent tomber leurs derniers fruits. Elle est là debout la tête dépassant de l’arbre, ses deux yeux fins d’un vert éclatant rencontrent deux yeux marron et ternes. Le temps s’arrête, son cœur bat la chamade, elle sent la peur et un autre sentiment nouveau naître. Soudain, un cerf vient rompre le moment et le temps reprend son cours, il se dirige vers elle, mais déjà le vent l’avait emportée.
Plusieurs jours passes, malgré la curiosité, toute les raisons était bonnes de ne pas y aller, sa forêt a besoin d’elle pour soigner les arbres ou encore aider les jeunes pousses à avoir du soleil. Des branches craques, malgré mille précautions pour le contourner il se retourne, il est là à quelques pas seulement devant elle. Leurs regards se croisent à nouveau. Pris de passion, il lève la main dans sa direction, l’effrayant autant que l’attirant. Elle prend la fuite, mais il la suit. Elle avait beau chercher à le distancer, il est toujours derrière à quelques pas. Jusqu’à ce que la nuit tombe et soudain plus personne. En retournant sur ses pas, elle le voit, tourner en rond, perdu comme si aucun de ses sens n’arrive à percevoir ce qui l’entoure ; l’odeur des arbres, la lumière des étoiles, la mousse sous ses pieds.
Elle ressent de la compassion pour cet être qui semble si vulnérable une fois en dehors de chez lui. Prise de pitié, elle disperse plusieurs lucioles attrapées sur son chemin, créant un sentier pour le ramener. Son ombre devant la porte le rend bien plus imposant qu’il ne l’était quelques minutes plus tôt. Il est là, à la regarder, il fait un signe de sa main et disparaît.
Les jours suivants sont similaires, ils jouèrent à un cache-cache géant. Il passe tout son temps dans les bois à explorer et chercher sa trace. Tandis qu’elle, s’enfuit à chaque fois le laissant l’apercevoir dès qu’il s’approche de trop près. Plus d’une fois, sur son chemin se retrouve des champignons amassés comme un cadeau de consolation. Quand la nuit tombe, elle le sent hésiter à rentrer, mais il persévère et n’abandonne pas. Il finit par rentrer chez lui en suivant le chemin qu’elle lui crée, qu’il soit fait de lucioles, de feuilles, ou de cailloux. Jusqu’à finir un soir par le laisser la suivre, seuls quelques pas les distances, le sentant si proche, qu’elle s’imagine l’enlacer.
Le jour suivant une décision est prise, pour son bien, elle doit s’en éloigner ! Percher dans un arbre, son regard le suit, le voyant marcher à s’en épuiser dans la forêt. Mais une fois la nuit tombée malgré sa résolution de le laisser seul, son cœur ne peut l’abandonner à son sort. Un lien étrange s’est créé et chaque soir un chemin est fabriqué pour le ramener à sa maison, mais dès alors il ne l’aperçoit plus.
Chaque jour, le même rituel continu inlassablement, l’hiver arrive avec lui le froid pénétrant les cœurs les plus rabougris. Il est assis sur un tronc face à un lac, il émet des bruits et soudain de l’eau coule de ses yeux, il semble épuisé. Elle est là à le contempler, sans en comprendre la raison son cœur se tord et ses pas la dirige devant lui. Un sourire soudain illumine son visage, ses yeux semblent moins ternes. D’un revers, il essuie ses larmes, se lève lentement et tend une main, ses yeux la suppliant de la saisir. Devant lui se trouve sa nymphe d’une beauté éclatante, des joues rosées, des doigts longs et fins, sur ses jambes des feuilles viennent créer un motif. Cela fait des jours, des semaines, une vie qu’il espère l’apercevoir à nouveau. Malgré sa réticence à être touchée, il tente à nouveau de l’inviter à le rejoindre.
Elle fait un pas en arrière, mais par peur de la voir disparaître à jamais il fait un pas en avant et lui attrape le bras d’une poigne ferme. Soudain, le charme se brise, la magie ne peut exister une fois touchée. Il comprend son erreur et la lâche rapidement, mais déjà le mal était fait, la nature reprend son dû. Devant lui elle change, ses pieds s’enfoncent dans le sol et durcissent, créant des grandes racines s’étirant toujours plus loin. Tout son corps se verdit, de la mousse et des bourgeons se mette à éclore sur sa poitrine. Ses bras tendus vers lui dans une dernière caresse laissent apparaître des feuilles. Ses joues roses perdent leurs éclats, tandis que ses yeux s’éteignent et de son doux visage seul un triste sourire se fige pour l’éternité. En une minute qui durera l’éternité, elle s’était transformée en une statue de bois.
- Gabrielle DuBasqui
Les fleurs de lys
Le ciel, de ce bleu profond mais limpide des premiers jours printaniers, ici, en moyenne montagne, promettait un dimanche saturé de senteurs légères et fugaces. Lilas, pommiers et sureaux venaient tout juste de fleurir. Le soleil picotait délicieusement la peau. La clarté s’étirerait enfin jusqu’aux premières heures du soir. Elle eut soudain envie de se promener. Maintenant, on disait « partir en randonnée ». Du moment que cela signifiait bien marcher dans la nature et la respecter… Un temps idéal pour fuir les premières chaleurs et s’enfoncer dans les gorges de la Frau, baignées d’une fraîcheur qui serait aujourd’hui bienvenue. Six cents mètres de dénivelé aller-retour sur un sentier caillouteux, surplombé d’un côté de hautes murailles calcaires où s’agrippent dieu sait comment bouleaux, conifères parfois majestueux et arbustes griffus, et bordé de l’autre par un torrent sombre et glougloutant dont les rives montent en à-pic à la fois pierreux mais feuillu vers des prairies d’estive, au-delà des falaises, prêtes pour la transhumance. Un nid de mousses, de fougères, d’aplats grandioses, de papillons et d’animaux furtifs, martres et autres rats-trompettes : le paradis des photographes naturalistes, des randonneurs, des gens du coin. Une zone désormais éco-protégée.
Pas l’ombre d’un nuage, pas un souffle de vent. Aucun risque d’être surpris par un orage ou une tempête dans le canyon. Elle s’engagea d’un bon pas dans la vallée encaissée.
De son enfance, elle avait gardé l’habitude de chercher et de compter les fleurs de lys gravées sur la pierre : des bornes qui gardaient jalousement les frontières du roi de France. Les gravures s’altéraient au fil des ans, mais qui avait l’œil les distinguait encore, en particulier une qui se dégageait, grande et bien ciselée, à quelques mètres de haut sur un mur de karst bien plat. Un jeu qui faisait trotter les gamins. Elle descendit un bon moment le nez en l’air, scrutant les parois rocheuses, dans une fraîcheur relative. Pas la moindre fleur de lys. La mousse les avait sans doute rongées. Soudain, des pierres roulèrent sous ses pas, la rappelant à l’ordre. Il fallait regarder le chemin. Au retour, elle pourrait se concentrer sur les vestiges de la royauté en remontant sans se hâter les gorges, appuyée sur sa canne.
C’est alors qu’elle entendit le silence. Il lui frappa douloureusement l’oreille.
Aucun bruit d’eau. Le torrent était sec. Sec de chez sec. Elle admirait son lit pour la première fois, vide, poli par des centaines de millions de litres d’eau galopante. Elle y descendit sans difficulté et sans risque de se mouiller les pieds pour y poursuivre sa marche. Çà et là, quelques limaces noires, solitaires, étalées sur les dalles orphelines de toute trace d’humidité. Elle en toucha une du bout de sa chaussure. Le gastéropode tomba en poussière, n’en subsista qu’un petit amas grisâtre et triste. Elle ne comprenait pas. Il avait pourtant bien neigé et bien plu cet hiver. Le torrent devrait être en crue. Le réchauffement climatique avançait donc très vite, faisant des ravages même ici, alors qu’elle avait pourtant observé des plaques de névé sur les proches montagnes.
Elle passa sous les piles du pont, admirant pour la première fois aussi le soubassement de roches taillées. Elle baissa la tête afin d’éviter les toiles d’araignées, remarqua qu’elles étaient vides et, les yeux au sol, découvrit des dizaines d’entre elles, pattes repliées, recroquevillées, presque translucides, craquant sous ses pas comme des feuilles mortes. Revenue à la lumière, elle regagna le sentier, le cœur serré. Son monde se mourrait et c’était la faute de son espèce à elle.
Elle tendit l’oreille, observa les feuillages alentour. Bien pensé. Il n’y avait ni papillons ni insectes, hormis quelques hannetons desséchés, d’une belle couleur dorée. L’absence du vrombissement des mouches et des bourdons amplifia encore davantage le silence. L’inquiétude pour cet endroit qu’elle aimait tant lui vrilla l’estomac. La dernière fois qu’elle y était venue avec sa grand-mère, celle-ci avait quatre-vingt-douze ans et lui avait confié que ce lieu semblait éternel. Inaltérable. Inchangé depuis sa propre enfance. Les progrès de l’humanité mettaient le monde en péril à une vitesse folle, détruisant en quelques années ce que la nature avait façonné en des milliards.
Un crépitement la tira de ses réflexions. Il pleuvait des pierres dans les cimes des sapins qui allongeaient curieusement dans cet univers de sécheresse des doigts d’un vert tendre. Un éboulis s’annonçait. Elle accéléra. La voilà devant l’aplomb rocheux sur lequel elle pensait trouver la grande fleur de lys. Rien. Si ce n’est de longues trainées d’oxyde de fer, comme des larmes de sang, souvenir du dernier orage. Et devant elle, le tronc d’un gros arbre déraciné, couvert de mousse. L’humidité du bois et de la mousse lui parurent factices.
La randonneuse poursuivit sa descente.
En bas, au fond de la vallée, le bassin où l’on pouvait puiser de l’eau et se rafraîchir était bien sûr vide. Elle entreprit la remontée des gorges, s’attachant à découvrir les reliefs des petites gravures fleurdelysées. La roche était entaillée de multiples traits, longs et fins, elle n’avait jamais remarqué ce phénomène auparavant, on eut dit les joues et le cou parcheminés de rides d’une vieille dame à la peau déshydratée.
Elle s’arrêta à nouveau près du tronc, devant le grandiose aplat de karst. A quelques mètres de là, un éboulis lui barrait le chemin. Elle l’avait échappé belle tout à l’heure. Elle but à petites gorgées, la nature vibra autour d’elle. La femme s’imagina que c’était le fossé de ronces desséchées, face à elle, qui venait de frémir, dans un ultime appel au secours. Il n’y avait aucune mûre sur ces baguettes noircies. Aucun fruit dans le sous-bois, adieu les petites fraises sauvages délicieuses de son enfance. Elle regarda une fois encore la roche. A quoi bon chercher ces fleurs de lys ? Bientôt, toute végétation aurait disparu, les mettant à nouveau à nu. Pourquoi ? Pour surveiller un monde détruit ? Le royaume des hommes… Pfff !
Elle avança sa main vers la mousse du tronc, autant pour la caresser et lui signifier sa compassion que pour vérifier si elle n’était déjà plus que poussière. La mousse était encore humide en superficie mais ses racines cassantes. Sa main s’enfonça profondément, jusqu’au cœur de l’arbre encore chaud, et son corps fut entièrement aspiré.
Quelques heures plus tard, un jeune pompier descendit les gorges en courant, entrainement forcé, sac à dos chargé à la toque. Il sauta l’éboulis, surpris.
Un éboulis ? Ce n’est pourtant pas un couloir d’avalanche ici ! Cette réflexion ralentit sa foulée, et il s’arrêta pour reprendre son souffle, près d’un gros hêtre déraciné. Il y posa son sac, en tira une bouteille, contempla machinalement la paroi rocheuse avant de s’y appuyer. Devait s’y trouver une fleur de lys, presque effacée. Mais aujourd’hui, ses trois branches se détachaient avec beaucoup trop de netteté, couvertes lui semblait-il, de lichens rougeâtres. Il frissonna. Une alarme retentit dans son cerveau archaïque, comme lorsqu’il pénétrait dans un bâtiment en flammes prêt à s’effondrer. Il bondit, sans se soucier de ses affaires, se jetant à l’assaut de l’éboulis. La fraction de seconde suivante, des tonnes de pierres l’avaient englouti.
Dans le fossé, le mûrier s’était redressé, soudain ragaillardi.
- Legrand
La nuit où la forêt a saigné !
Son pied nu se pose, précieux, sur le tapis de mousse émeraude. Il le reçoit dans un « ploc » spongieux gorgé d’humidité de début d’automne.
Il est tôt, presque cinq heures du matin. Nolan aime pénétrer dans sa forêt, celle qu’il appelle son toit végétal. Sa deuxième maison. Il en respire son essence, et tout particulièrement en fin de nuit avant le réveil de l’activité diurne. C’est son premier jour des vacances de Toussaint. Il n’est pas revenu depuis l’été et paré de son gros pull de laine bleu, Converses autour des épaules, il avance, sous la lumière lunaire, parmi des chênes, hêtres, arbustes et arbrisseaux.
Sa main va à la rencontre du tronc nervuré d’un jeune épicéa. Il l’effleure d’une caresse, pose l’autre main, ferme les yeux, et ressent la vie intérieure de cet autre être vivant. Différent. Soudain, il perçoit une légère vibration et simultanément un « Br zzz » strident et retentissant résonne dans ce calme apparent. Surpris, aux aguets, Il entend des craquements au loin, à environ deux cents mètres. Inhabituel à cette heure.
Que faire, il hésite, se rechausse en toute hâte. Court, ou plutôt marche vite en direction de l’intermittent son intrusif. Par le fruit du hasard, la pleine lune descendante le guide. Les branches basses et nombreuses lui livrent le passage. Comme si urgence il y avait. Les animaux ont déserté les lieux. Au loin quelques lumières sautent en l’air comme des lucioles.
Nolan gère son approche à l’allure d’un sioux. A pas de loup, Il s’oriente à distance vers les lueurs. Deux hommes, en combinaisons noires, cagoulés, casqués de lampes frontales s’attaquent à une masse sombre et longue sur le sol. Un vrombissement s’élève suivi de ce bruit entendu il y a peu. « Br zzz, Br zzz ». Ils agissent vite et avec méthode. Depuis combien de temps sont-ils là ?
Le jeune homme recule doucement pour analyser la scène devant ses yeux. Il vient de comprendre…Se plaque la main sur la bouche pour ne pas hurler d’effroi. En se déplaçant pour les contourner, son pied écrase les fruits de la forêt. Ses yeux forcent pour scruter l’environnement. Les questions se bousculent dans sa tête. Bizarre, ils ne sont que deux ? Je ne vois pas d’insignes sur leurs vêtements ? Des voleurs de bois ? Prudence…Nolan…Prudence ! pense-t-il.
Avançant en cache-cache parmi les énormes troncs de châtaigniers et autres sublimes arbres presque centenaires, il tombe sur un espace anormalement dénudé, dégradé. Rasé de toute énergie sylvicole. Il sent que ce lieu est imprégné d’odeurs de coupes récemment déboisées. Malgré sa prudence, son pied heurte une énorme souche sectionnée en deux étages dont le pic nu s’élève vers la nuit en hurlant de détresse. Nolan s’étale au sol en fusant un :
— Aïe !
La douleur irradie sa jambe droite. « Zut ! ». Un peu plus loin, le vrombissement s’est arrêté. Les hommes scrutent le sous-bois. Nolan allongé sur le tapis humide frisonne. La peur lui noue les « tripes ». Il tâte sa poche arrière. Son portable est là, prêt à servir. Malgré leurs hésitations, les autres reprennent leurs activités. Ils se dépêchent. C’est le signe pour Nolan de se relever. Il doit aller chercher d’autres indices avant d’appeler les flics. De toutes façons, même si la situation est dangereuse, il est déterminé. Et en tant que jeune étudiant ingénieur environnemental à Paris, il a assisté maintes fois à de nombreuses manifs et a été confronté aux jets d’eau et coups de matraque ! Alors, Il décide de faire le tour sur la droite dans l’espoir de repérer leurs véhicules. Agir vite ! L’aube pointe son nez.
Il traine un peu la jambe en dépassant la croix de Mornay. Coupe à travers taillis et jeunes pousses dont les feuilles tremblent à l’arrivée de cet intrus. Enfin, il aperçoit le chemin des trembles. Une masse imposante le bloque en plein milieu et devant elle, l’ombre d’un gros 4×4. Nolan a juste le temps de se faufiler devant le véhicule avant que les voix d’hommes s’élèvent et chargent en arrière au cul du camion plus loin.
Malgré tout, son cœur tambourine. Ses yeux scrutent le sol à la recherche d’un objet de défense. C’est là qu’il aperçoit un peu plus loin la chaîne cassée d’accès au chemin. Le pressentiment de devoir faire face à du brigandage le fait rager. Il longe le véhicule qui s’avère être une jeep noire. Se glisse, accroupi vers le camion sombre. Dissimulé derrière une énorme roue, il se lève doucement et soulève un morceau de bâche. L’odeur de billots de bois avec leurs masses bien rangées et cette persistance odeur de gasoil l’horrifie. Promptement, il repart à reculons se mettre à couvert.
C’est bien ça, pense-t-il. Il n’y a aucune signalétique sur le camion, ni de l’ONF ni d’une quelconque entreprise d’exploitation forestière du coin ! A distance, il garde un œil sur les voleurs puis saisit son portable. Cache la luminosité de son écran et compose le 112.
— Gendarmerie j’écoute !
— Je suis Nolan Lecour, fils Antoine Lecour le gardien de la maison forestière de l’orée d’Ecouves.
— Oui ! Et ? Répond une voix de ténor. Parlez plus fort !
— Je ne peux pas ! Ecoutez… et faite vite…je suis dans la forêt près du chemin des trembles non loin de la croix de Mornay. Vous situez ?
— Oui et …
— Lors de ma promenade matinale, je suis tombé sur des hommes cagoulés et masqués en train de procéder à de l’abattage d’arbres. Je pense en toute illégalité. Ils sont peut-être deux ou trois. Leurs véhicules, un gros camion noir bâché et une jeep noire également bloque l’accès au chemin dont la chaîne a été vandalisée. Dans mon champ de vision, deux individus chargent leurs butins !
— Ok ! Gardez votre téléphone allumé. Mettez-vous à couvert et attendez-nous ! N’intervenez sous aucun prétexte. C’est entendu Mr Lecour ?
— Oui.
Les mains de Nolan tremblent. Et s’il s’était trompé ? Sa décision est lourde de conséquence. Il respire fort. Il doit prévenir Marine. Lorsqu’il l’a laissée chez son père, elle dormait encore. Elle est venue passer les vacances chez lui. Tous deux sont étudiants ingénieurs en environnement et fervents militants écologistes. Un dernier appel. Sinon je vais être repéré ! pense-t-il. Ça sonne. Sans résultat. Il essaie une deuxième fois.
— Nolan ? C’est toi ?
— Marine, c’est moi ! J’suis dans la forêt au chemin des trembles. Je viens de prévenir la…
Derrière lui, un « crac » résonne. Il se retourne. Tombe face à face à un individu sombre, casqué et cagoulé. Il ne l’avait pas vu venir celui-là. Il commence son sprint lorsque l’autre, massif, le plaque au sol. Une masse se lève sur sa tête et l’assomme promptement. Nolan ne bouge plus. Son portable éjecté, une main gantée s’en saisit. Un appel surgit. La gendarmerie cherche à le contacter….
Deux sifflements stridents retentissent. Le voleur court vers ses acolytes et crie d’un léger accent de l’est :
— Les gars, on s’arrache ! Les flics arrivent ! Laissez tout le reste !
Ils ont l’air d’avoir l’habitude et ont leur code. En moins de temps, tout le matos est casé dans le camion. Le supposé chef démarre avec la jeep en jetant un dernier coup d’œil à Nolan allongé. Puis, les autres suivent avec le chargement. Tous décidés à prendre des raccourcis et éviter les flics.
Derrière eux, le sol est labouré du passage des gros véhicules. Les masses de bois non encore enlevées, jonchent le sol profané. Les branches cassées et arrachées gisent par terre. La forêt saigne. Son amputation a laissé de profondes blessures.
Après un temps qui lui parait éternel et irréel, Nolan gémit. Une voix lointaine l’appelle :
— Nolan ? C’est Marine !
Elle tente de le retourner mais la main du gendarme près d’elle l’arrête. Ils sont arrivés en même temps. Pendant que les autres cherchent les indices, lui a appelé le médecin. Elle s’inquiète. Son visage est pâle comme le jour qui se lève.
— Aie ! Ma tête ! gémit le jeune homme en se retournant.
Il se redresse, les aperçoit. Ses premiers mots fusent :
— Suis arrivé trop tard ! La forêt saigne.
- Malika Laffaire
La forêt est un havre de paix
Elle m’accueille et me ressource, loin de la société de consommation, loin des bruits et des trépidations de la ville. Seule la mélodie des chants des oiseaux atteignent mes oreilles au repos. Je savoure ce moment.
Mes pieds se régalent sur la souplesse du sol ressemblant à un tapis moelleux. Des feuilles ont déjà jonché le sol, nombreuses sont celles qui ne tarderont pas à les rejoindre, jaunies, brunies, rougies, merveilleusement colorées par l’automne proche.
Mes yeux se délectent devant ce cycle de vie, cette nature sans cesse renouvelée, ce magnifique spectacle.
La mousse s’est posée ça et là sur le tronc des arbres, sur le sol, sur les rochers.
Sous forme de baies écarlates, le fruit du houx décore magnifiquement les lieux et viendra à Noël couvrir nos couronnes ou orner nos tables, merveilleuse nature.
Je poursuis mon chemin et constate les stigmates des derniers vents violents. Une branche, que dis-je, de nombreuses branches jonchent le sol. Quelques arbres n’ont pas résisté, arrachés par la violence d’Éole. J’en aperçois un, tombé il y a déjà longtemps, marque du passé, déjà sec et recouvert de mousse.
Un peu plus loin, un petit banc a été sculpté sur la base d’un tronc. Je m’y assoie un instant afin d’apprécier le moment. Quelle sérénité, quel calme. L’air est si rafraichissant et je savoure cette odeur si particulière, celle des résineux et autres arbres et végétaux, mêlée à la fraicheur de l’air pur. C’est une véritable incitation à la méditation qui s’offre à moi. Je m’évade et me ressource.
Toute cette verdure a un effet sur moi. Au milieu des arbres, je ressens quelque chose de si fort que je ne saurais décrire avec précision. Une sensation de bien-être m’envahie.
Mes yeux ne sont pas agressés par cette luminosité si particulière, calmante, apaisante.
Je poursuis ma promenade, croisant quelques promeneurs.
Reposée et ressourcée, je quitte cette forêt point pour longtemps car j’y retournerai. Elle me manque déjà.
La forêt est un havre de paix, protégeons la.
- Tuy Nga Brignol
Balades en forêt
La conscience cosmique et la conscience humaine ne sont pas séparées. Pensons à inclure la terre et les rythmes naturels dans nos vies. Se synchroniser avec les rythmes de la nature nous permet de surfer sur les vagues d’énergie et de nous sentir plus en harmonie avec la vie et le monde qui nous entoure.
La forêt, joyau de biodiversité, est un milieu naturel où se développe une multitude d’espèces animales et végétales. Elles ont toutes besoin les unes des autres pour vivre.
Des liens très forts existent entre les différents éléments de cet écosystème.
C’est un merveilleux cadre pour méditer au son des oiseaux, dans l’odeur de la mousse humide. Riche expérience pour vivre un retour à la nature qui active nos cinq sens. Sentir le vent, respirer le parfum des plantes, écouter les nombreux chants de la vie… sources de bien-être et de détente.
La forêt est constituée à la fois de feuillus comme le chêne et de conifères comme le sapin.
L’automne est là. Il y a moins de lumière et il commence à faire plus froid. Les feuilles n’ont plus assez d’eau, d’air et de lumière pour aider l’arbre à grandir. Elles se détachent de la branche et virevoltent jusqu’au sol qu’elles recouvrent d’un tapis humide et parfumé.
Les feuillus perdent leurs feuilles, tandis que le sapin symbole de majesté et de longévité garde un feuillage persistant. Ses aiguilles sont couvertes d’une épaisse couche de cire et ont un épiderme très dur. C’est ce qui lui fournit une protection supplémentaire contre le gel et le dessèchement. Le tronc et les branches sont protégés par l’écorce. Quant aux racines, leur situation souterraine les met à l’abri du gel. La pomme de pin est communément considérée comme le fruit du sapin, bien qu’elle ne soit pas un fruit au sens purement botanique.
L’écorce se renouvelle en permanence. Les arbres perdent leurs écorces et c’est un phénomène tout à fait naturel. Les arbres poussent à travers leurs branches et descendent à travers leurs racines dans la terre. Lorsque l’arbre pousse, le tronc s’épaissit d’année en année grâce au cambium : une couche de cellules qui se divisent tout au long de la vie de l’arbre pour fabriquer du bois. Vers l’intérieur, le cambium produit les vaisseaux de xylème qui transportent l’eau vers les feuilles. Les cellules les plus anciennes se décalent vers l’extérieur et deviennent l’écorce. Celle-ci tombe peu à peu et se décompose au sol.
L’écorce est la peau de protection de l’arbre. Ce manteau, épais de quelques millimètres à plusieurs centimètres selon les espèces, est vital. Il a pour rôle de protéger le bois tendre et la sève qui circule juste derrière. De façon périodique, l’arbre se débarrasse de l’écorce qui servait à le protéger mais qui n’est plus assez grande pour le contenir.
De la même manière, nous créons des limites et développons des défenses pour nous protéger puis, à un certain moment, nous les dépassons. Si nous ne nous permettons pas de nous débarrasser de notre couche protectrice, nous ne pourrons pas développer notre plein potentiel.
Les arbres ont besoin de leur écorce protectrice pour permettre au processus délicat de croissance et de renouvellement de se dérouler sans menace. De même, nous avons besoin de nos limites et de nos défenses pour que les parties les plus vulnérables de nous-mêmes puissent guérir et se développer en toute sécurité.
Mais notre croissance dépend aussi de notre capacité à adoucir, assouplir et éliminer les frontières et les défenses dont nous n’avons plus besoin. Les structures que nous mettons en place pour nous aider à grandir finissent souvent par devenir contraignantes.
Contrairement à l’arbre, nous devons décider consciemment quand il est temps de jeter notre écorce et d’étendre nos limites, afin de pouvoir passer à un nouveau cycle de croissance. La frontière du “soi” s’élargit pour contenir des personnes et des êtres autres que “soi”.
Chaque fois que nous nous débarrassons d’une couche de défense ou que nous nous relâchons sur une frontière dont nous n’avons plus besoin, nous devenons métaphoriquement des personnes plus grandes. Dans cet esprit, il est important que nous prenions le temps de remettre en question nos limites et nos défenses. S’il est essentiel de fixer et d’honorer les barrières protectrices que nous avons mises en place, il est tout aussi important de les adoucir et de les relâcher le moment venu. Ce faisant, nous créons l’espace pour notre prochaine phase de croissance.
- Ma participation, hors concours, sur l’inspiration n°2
Vent – Pétrichor – Froid – Nuage – Pluie
La mélodie délicate du vent me réchauffe le coeur à défaut du corps, encore humide de la drache qui nous a rafraîchis à la sortie du cinéma. Le ciel gronde toujours, colérique automnal jamais satisfait de ses retrouvailles avec la pluie. Le pétrichor emplit nos narines alors que je l’entends respirer bruyamment entre deux rafales. Je sais qu’il souhaite me parler, me dire les choses qui hantent des nuits et peuplent son âme. Le froid de ses angoisses, la tiédeur moite de son désir, la chaleur de son amour. Tels des nuages épars dans un ciel d’été, il formule des mots rares, uniques, qui ont du mal à se trouver, à se relier, sans pour autant perdre de leur puissance. Je les brode ensemble, les tricote entre eux pour comprendre son langage et recevoir son message. En plein coeur.
Merci à tous pour vos participations et lectures !
A bientôt 💋
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