Participations au Rendez-Vous des Plumes – Mars 2024

✍ Thème-guide de février : Oiseaux


Les textes ne sont relus qu’au moment de leur publication en recueil, et ce uniquement dans le but de vérifier qu’ils ne contreviennent pas au règlement de l’atelier d’écriture. Si le cas devait se produire, le texte ne serait tout simplement pas publié, sans autre recours possible de son auteur. La Petite Boutique des Auteurs n’est pas responsable des coquilles, fautes d’orthographe, syntaxiques ou grammaticales éventuellement présentes dans les textes qui participent au Rendez-Vous des Plumes. Merci d’en prendre note avant lecture.


⭐ Inspiration n°1

  • Athénaïs Grave

On m’a dit que j’étais un pigeon.
On m’a dit que j’étais un pigeon. Je ne comprends pas. Je ne me rue pas sur des miettes de pain que des inconnus balancent au sol. Je n’abandonne pas mes déjections sur les beaux monuments historiques de la ville. Je ne m’envole pas quand on essaie de me donner un coup de pied.
Pourtant, j’aimerai bien m’envoler, m’éloigner à tire d’ailes des blessures de la vie. Répondre aux injures par un roucoulement arrogant. Et surtout… Me perdre dans les nuages, portée par le souffle du vent dansant dans mes plumes. Je l’imagine comme une caresse légèrement chatouillante. Je n’y serais pas plus aimée qu’ici, les pieds sur terre, mais au moins je contemplerais le monde d’en haut. Mes détracteurs devraient lever la tête pour me regarder. Et moi, hors d’atteinte, je n’aurais, alors, que faire de leur jugement.
On m’a dit que j’étais un pigeon. Parfois, j’aimerais que ce soit vrai. Quitte à être mal vue, autant être au-dessus des autres, plutôt que le paillasson sur lequel il essuie leurs pieds. Pourtant, je suis là, à courber l’échine. À hocher la tête d’assentiment même quand je voudrai dire non. Je suis plus proche de la boue sous la chaussure que d’un maître des airs.
Je voudrais vous dire : j’aimerais être un pigeon. Et voler de mes propres ailes.


  • Patricia Forge

Un pigeon peut changer le monde
Il s’appelait Arthur. Sylvie l’avait trouvé un matin de printemps juché sur sa boite aux lettres en roucoulant piteusement. Il semblait jeune et son aile droite était un peu à la traine. Elle lui avait déposé du grain et avait surveillé qu’aucun matou mal attentionné ne vienne lui causer des soucis.
Après cette petite pause, le pigeon s’était envolé.
Mais le lendemain, avant d’ouvrir les volets, elle l’avait entendu roucouler… Et depuis il en était ainsi chaque matin. Elle l’avait prénommé Arthur.
Sylvie travaillait à la ville voisine, quelques kilomètres, quatre ou cinq tout au plus.
Tous les jours, après avoir contemplé le soleil levant et les couleurs de l’avant-jour, après une caresse et quelques graines ou du vieux pain à Arthur, elle partait remplir sa mission d’assistante multi-casquette pour un responsable d’un bâtiment sportif constamment en travaux de modernisation et surtout à la pointe de la lutte contre les pigeons !
Les jardiniers des pelouses de stade de football n’aiment pas les pigeons. Ils mangent les graines semées pour boucher les trous faits par les crampons.
Sylvie devait donc supporter les tentatives d’exterminations des amis d’Arthur. Filets anti-pigeons, piquants en fer qui empalaient les volatiles voulant se poser, destruction des nids, robots mécaniques poussant des cris d’aigle… L’arsenal était impressionnant.
Elle, elle militait pour un pigeonnier sur le site mais son idée était rejetée de manière hautaine. Quoi ? Offrir le gîte et le couvert à ses nuisibles ?! C’était bien une lubie de femme. Qu’elle laisse donc agir les hommes, voyons !
Sylvie désespérait de convaincre son supérieur de faire preuve d’un peu plus d’humanité et d’ouverture d’esprit. Elle appréciait de retrouver sa campagne paisible le soir et les week-ends, où les oiseaux étaient admirés et non pas vilipendés.
Or un samedi, Arthur manqua à l’appel.
Sylvie s’en alarma et battit la campagne pensant le retrouver. Elle avait le cœur plein d’inquiétudes. Elle demanda à son voisin agriculteur s’il l’avait aperçu mais il répondit négativement. Elle craignait pour lui une mauvaise rencontre avec un chat ou un milan affamé.
Elle se coucha le cœur triste mais avec l’espoir qu’il serait de retour le dimanche. Mais le lendemain, et le surlendemain, point d’Arthur.
La jeune femme n’eut pas le cœur à admirer les teintes roses de l’aube ce lundi matin. Sans Arthur les matins étaient tristes.
Quelques heures plus tard, alors qu’elles se débattaient entre des factures et des missions de gestion de personnel, un agent de maintenance fit irruption dans son bureau, les poings serrés.
Une barbarie était en cours dans les garages où étaient stockées les machines d’entretien. Avant le match du samedi, un pigeon amical, sans doute n’était-il pas habitué des lieux, avait été capturé et jeté dans un carton. Depuis deux jours il croupissait là, sans manger ni boire. Elle devait faire quelque chose. Révoltée, elle suivit l’agent et découvrit un pigeon avec une aile droite un peu à la traine. Arthur !
« Mais Arthur, mon pauvre Arthur, qu’es-tu venu faire ici ? »
Le volatil n’avait pas la force de roucouler. Une de ses pattes était blessée.
Son collègue déposa Arthur et son carton-prison dans le coffre de la voiture de l’assistante. Celle-ci avertit son supérieur. Elle quittait son poste pour déposer l’animal en lieu sûr et menaçait de prévenir la SPA de ces faits.
Les cinq kilomètres de trajet lui semblèrent une éternité. Elle sentait Arthur tanguer dans son carton et tentait de le rassurer. Enfin elle arriva en vue de la ferme de son voisin. Celui-ci, éberlué, la vit sortir avec un carton dans les bras. IL s’approcha et voyant l’urgence de la situation l’aida à sortir le prisonnier. Puis la rassura. La blessure était juste une égratignure. Il fallait simplement lui laisser le temps de reprendre ses esprits. Un peu de grain, un peu d’eau et cinq minutes plus tard, Arthur s’envolait pour se percher dans un châtaignier.
Sauvé, il était sauvé !
Le lendemain il roucoulait sur la boîte aux lettres de Sylvie pour son plus grand bonheur.
Quelques jours plus tard, elle décrochait sa victoire : les filets et piquants étaient déposés pour laisser la place à une buse de Harris et son fauconnier. L’effarouchage empêcherait la nidification sur le bâtiment sportif mais mettait fin à la mort violente de pauvres pigeons.


  • Mystère ETO

Les pigeons sont les témoins silencieux de notre existence, incarnant la résilience de la nature face à l’adversité. Leur ballet aérien est un rappel constant que même dans les canyons de béton, la vie trouve toujours un moyen de s’exprimer. Et puis, il y a notre héros, le pigeon que nous appellerons Pluminou. C’est un roi autoproclamé. Il est un monarque qui a pris les rênes de son destin. Il est un souverain qui a choisi de ne pas être un sujet, mais un maître. Son trône n’est pas un palais luxueux, mais un humble poteau de fer, un symbole de sa simplicité et de sa résilience. De là, il règne sur son royaume, un monde en constante effervescence, un monde qui se bat, qui vit et qui meurt. De son perchoir, Pluminou observe le monde avec une sagesse qui dépasse sa petite stature. Il voit les guerres, les naissances, les morts, les joies et les peines, mais il reste impassible, inébranlable. Son royaume n’est pas fait de pierre ou de bois, mais de fer, un matériau qui symbolise sa force. Il est un pigeon qui a pris de la hauteur, littéralement et métaphoriquement. Il est un observateur, un philosophe, un roi qui règne non par la force, mais par la sagesse. Il a trouvé un poteau, le plus haut poteau de la ville. C’est devenu son perchoir préféré, un trône d’où il peut observer le monde en dessous. Il est le messager aérien qui apporte la vie dans le monde. Il est un symbole vivant de la coexistence entre l’homme et la nature, un rappel que même dans les environnements les plus artificiels, la vie trouve toujours un chemin. Et ce chemin, pour notre pigeon, mène toujours au sommet d’un poteau. Pluminou, avec son plumage gris et ses yeux vifs, est un point de verdure dans un océan de gris. Il est un lien entre le ciel et la terre, entre la nature et la ville, entre le sauvage et le civilisé. Il est un ambassadeur ailé entre la nature et la ville. Dans le monde des oiseaux, Pluminou se distingue. Ce pigeon n’est pas un simple volatile, il est l’incarnation de l’extraordinaire, un symbole vivant de la grandeur. Pluminou est le souverain des airs, il ne règne pas depuis un château ou un palais. Son trône est un poteau, un perchoir élevé qui lui permet d’observer le monde en dessous. Ce poteau, pour Pluminou, est bien plus qu’un simple support. Il est un partenaire, un complice dans sa quête de domination. Il se perche fièrement, son regard perçant balayant son royaume. Le poteau est son allié, son point de vue privilégié. Il est le témoin silencieux de ses triomphes et de ses défis. Il est là quand Pluminou revendique son territoire, quand il défend son royaume contre les intrus. Il est là quand Pluminou chante la sérénade à la lune, quand il danse dans le vent. Le poteau est un partenaire constant, un complice silencieux dans la quête de Pluminou pour la domination. Mais le poteau est plus qu’un simple observatoire. Il est un symbole de la détermination de Pluminou, de son désir de régner en maître. Il est le pilier qui soutient son ambition, le socle sur lequel il construit son empire. Il est le phare qui guide Pluminou, le rappel constant de sa mission. Ainsi, Pluminou et son poteau règnent ensemble. Ils sont inséparables, unis dans leur quête de domination. Et même si le poteau est inanimé, pour Pluminou, il est bien plus. Il est un ami, un partenaire, un complice. Ensemble, ils observent le monde, prêts à affronter tout ce qui se présente à eux. Car pour Pluminou, la domination n’est pas une question de pouvoir, mais de perspective. Et avec son poteau, il a la meilleure perspective qui soit. Le lien qui unit Pluminou à son poteau est fort, presque symbiotique. Ils sont inséparables, comme deux amis qui se soutiennent mutuellement. Le poteau offre à Pluminou la hauteur, et Pluminou, en retour, donne au poteau un sens, une raison d’être. Pluminou n’a pas choisi cette hauteur par hasard. C’est un choix délibéré, une volonté de dominer le monde, de l’embrasser de son regard perçant. De son perchoir, Pluminou peut voir le monde dans toute sa splendeur. Il peut observer les gens qui passent, les voitures qui roulent, les enfants qui jouent. Il peut voir le soleil se lever et se coucher, la pluie tomber, les saisons changer. Tout cela, il l’observe de son poteau, de sa hauteur. Pluminou, le pigeon, est plus qu’un spectacle pour les yeux. Il est une célébration de la vie, une ode à la splendeur de l’existence. Sa présence sur ce poteau, sa hauteur, tout cela est une déclaration, un message : la vie est belle, et il est là pour la célébrer. Chaque jour, Pluminou nous rappelle que la vie est précieuse, que chaque moment est un cadeau. Et il nous le rappelle de son poteau, de sa hauteur, avec son regard perçant et sa présence majestueuse. Pluminou, le pigeon, est un symbole de la grandeur de la vie, un rappel constant de la beauté et de la complexité de notre monde et son poteau est le trône d’où il règne sur le monde. De là, il règne sur son royaume, un royaume sans frontières, sans limites. Il est le souverain des cieux, le gardien des vents, le maître des hauteurs. Pluminou est plus qu’un pigeon, il est un pigeon-arche. Il incarne la noblesse et la dignité, la liberté et l’indépendance. Il est un symbole de paix, un messager de l’espoir. Il est un rappel que même dans les moments les plus sombres, il y a toujours de la beauté et de la grandeur à trouver. Ainsi, Pluminou continue de régner et d’inspirer. Il est un rappel constant que même les créatures les plus simples peuvent avoir un impact profond sur notre perception du monde. Pluminou, le pigeon-arche, continue de régner sur son royaume sans frontières. Son plumage lisse et brillant reflète la lumière du soleil, créant un beau spectacle pour tous ceux qui ont la chance de le voir. Il est là, immobile, ses yeux scrutant le paysage urbain en constante évolution. Il est un spectateur serein, non perturbé par le chaos qui l’entoure. Même si une tempête pourrait éclater soudainement sans prévenir, déversant une pluie torrentielle sur la ville. Les rues, autrefois animées, seraient maintenant submergées par un déluge d’eau. Les gens, pris au dépourvu, se précipiteraient pour trouver un abri. Les voitures klaxonneraient frénétiquement, ajoutant à la cacophonie ambiante. Le chaos régnerait en maître. Pendant ce temps, Pluminou, un observateur solitaire, resterait imperturbable. Perché en hauteur, il serait à l’abri de la pluie et du tumulte. Il regarderait la scène d’en haut, comme un roi contemplant son royaume. Les éclaboussures de la pluie sur les toits, les gens courant en tous sens, les voitures naviguant à travers les rues inondées, tout cela ne serait pour lui qu’un spectacle lointain. Il est comme un phare de calme, une présence constante et inébranlable dans un océan de chaos. Alors que la vie se déroule autour de lui – les voitures qui passent, les gens qui se pressent, les bruits de la ville qui résonnent – il reste imperturbable. Il est un rappel silencieux que, même au milieu du chaos, il existe des poches de calme et de sérénité. Ce pigeon, symbole de persévérance, a gravi chaque barreau d’un poteau en fer dont l’extrémité supérieure est coupée. Il a défié les lois intransigeantes de la gravité avec une détermination inébranlable pour atteindre son but. Sa position en hauteur suggère une tranquille puissance, une discrète domination sur son environnement.


  • Sandrine Davin

Pigeon aux plumes
Cendrées
Du haut de ton
Pieu
Tu surplombes l’horizon

– En bas
C’est la guerre –

Des enfants jouent
Entre eux
Et toi
Tu veilles sur eux


  • L. Gagnaire

Deux tourterelles
C’était un petit bruit, juste un petit son, que l’on entendant à peine entre les branches. A tendre l’oreille, on se rendait vite compte qu’il s’agissait d’une chanson. Cette douce mélodie qui résonnait à travers la vaste forêt était celle d’oiseaux ; dont le chant rappelait la venue nouvelle du printemps. Deux oiseaux, un couple de magnifiques tourterelles grises, aux plumages doux et soyeux, se prélassait sur une branche d’arbre. Enfin, se prélassait, pas vraiment. Leurs yeux se rencontraient avec une intensité saisissante. Et le monde autour n’existait plus.
Tout était calme et serein autour d’eux. Le soleil caressait tendrement chaque plume de leurs ailes, de leurs petits corps. Les deux volatiles se rapprochèrent et cela suffit déjà pour leur bonheur. Il n’en fallut pas davantage pour qu’elles se décidèrent à passer un long moment ensemble. Le cœur des tourterelles battait à l’unisson, comme s’ils n’étaient qu’une seule et même âme. L’attraction entre les deux oiseaux s’intensifiait un peu plus chaque jour.
C’est ainsi que les jours suivants étaient rythmés par le même quotidien. Les matins étaient remplis de doux gazouillis, tandis que les après-midis étaient consacrés aux étreintes chaleureuses ; leurs becs s’entremêlant dans un geste rempli de tendresse.
Malheureusement, leur parcours était parsemé de défis. Elles le savaient. Les deux oiseaux appartenaient à deux clans différents. Suite à un différent entre leurs deux familles et à beaucoup de clichés et de préjugés, qui dataient de bien avant leur naissance, leurs parents refusaient catégoriquement leur relation ; chacun espérant mieux pour son enfant. Ces contraintes familiales devaient étouffer leur amour naissant. Mais c’est mal connaître deux tourterelles éprises d’un désir ardent.
Après avoir longuement discuté, elles se décidèrent à prendre leur destin en main, enfin, en ailes. Un soir, alors que leurs parents dormaient, elles déployèrent leurs ailes et elles s’envolèrent loin, très loin, de leur foyer familiale respectif. Elles étaient prêtes à braver les dangers inconnus, à la recherche d’un refuge où on ne les jugerait pas et où leur amour pourrait enfin s’épanouir.
Leur voyage les conduisit à un magnifique jardin. Le parfum des fleurs, le bourdonnement des abeilles et le murmure des ruisseaux remplissaient les lieux. C’était l’endroit parfait pour construire leur nid.
Au milieu de ce havre de paix, les tourterelles trouvèrent un arbre majestueux, certes ancien mais tout à fait digne de leurs aspirations grandissantes. Leurs becs s’affairaient à bâtir un foyer sûr et chaleureux pour leurs futurs petits ; leur foyer à elles.
Les deux tourterelles avaient enfin trouvé leur refuge ; un endroit où leur amour pourrait grandir sans que personne ne les juge.
Perchées sur une branche, les ailes entrelacées, continuant de chanter leur mélodie de l’amour, elles contemplaient l’endroit où elles vivaient. A la vue de ces deux tourterelles si heureuses, leur histoire devenant un exemple de l’importance de l’amour vrai.


⭐ Inspiration n°2

  • Tristan Jarvis

Batifole

Batifolant à l’ excès, tumulte et tempêtant gracilement dans leur univers fluet
Les majestueux renfrognait l’eau glacée à leur désir.

Les ailes ballantes, aspergeant ses congénères,
Qu’ils ne furent ou pas téméraires, sous cette eau printanière,
Firent que, parfois, ils en éternuèrent.

Audace, eau fugace, comme des enfants pugnaces,
Ils s’amusaient de toute leur impétuosité,
Sans voir la menace qui approchait .
Au loin dans un flou gaussien : le bras armé.

Alarmé d’une brindille au sol cassé,
L’escroquerie de la futilité fut à son tour brisé,
Dés lors la frivolité fut malmené.

Pétaradant au milieu du silence, mais aussi des rires,
La Balle déclara sa guerre, éludant un certain mystère,
Celui ayant un certain attrait à la fête.

Perçant ainsi la solution,
En omettant de la résoudre.
Mis un point d’ honneur aux agrêts,
Le mouillage et tout les bagages.

Foulant le ciel, la bravade,
Martèle en tête, fouillant le sillage,
Contre tout attente, ils foncèrent d ‘eux-mêmes
Sur la main portée à l ‘étendage.

Boom, saccades, boom, babillages,
Tel fut dans un énorme bilan d’ épandage,
Le résultat d’un bref carnage,
Alors il ne voulait faire que du carnaval.

Penaud de son infortune,
Bringue de ballants sans la thune,
La mine déconfite sous son manteau de vaincu,
Le bras armé mena la lande sous ses pieds. Le dos tourné.

Reprirent alors nantis de rire décuplés,
Les frivoles contrariétés.
A savoir qui serait le premier mouillé.


  • Marina Leridon

Le pélican
Regarde-moi. Je sais que tu me trouves beau.
Beaucoup de personnes ne m’aiment pas, voire ont peur de moi.
Pourquoi ? Parce que je suis imposant et disgracieux pour certains.
C’est vrai que je suis très grand. Mon bec est si long qu’il impressionne. Si tout le monde savait à quoi il sert !
Il me permet de pêcher des poissons que je prépare avec amour dans mon immense poche extensible. Mes petits viennent se nourrir dans cette réserve.
Alors oui, je suis lourd. Mais quand tu me vois nager à la surface de l’océan, tu es impressionné par ma vitesse.
Certains pensent que je ne suis pas capable de m’envoler. C’est sûr que le décollage est difficile : je cours en battant des ailes de toutes mes forces. C’est qu’il faut les soulever mes treize kilos ! Mais, une fois lancé, je parcours des kilomètres.
Nous nous sommes déjà rencontrés. Tu t’en souviens ?
Tu as d’abord admiré le vol que j’effectue tous les soirs, à la même heure, au-dessus de l’océan Atlantique, au Sénégal. C’était comme un rendez-vous entre nous. Tu te pressais de venir nous regarder en fin d’après-midi, tranquillement assis sur le sable chaud. Ce moment était d’autant plus agréable que la température diminuait et le soleil t’offrait un coucher magnifique.
Puis tu as rencontré mes cousins sur la mer des Caraïbes, à Cuba.
Des moments magiques. Ils s’approchaient de toi dans l’eau chaude. Sans jamais t’effrayer. Tu étais juste impressionné et intimidé. Tu osais à peine bouger, de peur de les voir s’envoler. Eux papotaient sans s’inquiéter de ta présence.
Finalement, vous les humains êtes un peu comme nous : vous nagez en battant des pieds. Mais cela semble plus compliqué avec vos orteils qui sont séparés. Vous réussissez quand même à vous maintenir la tête hors de l’eau, même si c’est très périlleux pour certains.
Là où nous sommes incontestablement meilleurs que vous, c’est le vol. Je n’ai encore jamais vu un humain s’envoler uniquement à la force de ses bras…
Dis-moi : aimerais-tu voler ? Oui ? Alors ferme tes yeux et imagine-toi assis sur mon dos. Cramponné à mon cou.
Tu y es ? Voilà. Parfait. C’est parti !
Serre moins fort. Tu ne risques rien. Ouvre grand tes yeux pour ne rien rater du spectacle. Le vent siffle dans tes oreilles. Les nuages dessinent des formes animales au loin. Le soleil nous chauffe juste assez pour compenser la fraîcheur de l’air.
Je me laisse porter par les courants. Sans jamais arrêter de battre des ailes : c’est que nous pesons un certain poids à nous deux !
Je suis fatigué. C’est le moment de rentrer, faute de quoi nous finirons tous les deux dans l’océan.
Dès que nous approchons de la plage, tu devras me lâcher et te laisser tomber. Ne t’inquiète pas. Je descendrai assez bas pour que tu ne te blesses pas.
L’homme frissonne. S’étire. Brasse le sable fin. Baille. Ouvre enfin les yeux. Regarde autour de lui. Il a le souvenir d’une aventure extraordinaire.
Le soleil, rouge écarlate, touche l’horizon.
Des pélicans voguent tranquillement sur l’eau. Tout à coup, ils courent de toutes leurs forces et prennent leur envol tous en même temps. Passent devant l’astre de lumière. Le spectacle est majestueux.
L’homme se retrouve dans la pénombre. La nuit ne va pas tarder. Il a vécu quelque chose d’unique. N’ose pas bouger de peur d’oublier la belle histoire partagée avec le pélican.


  • Patrick Fouquet

Les Échos du Vent et de la Mer
Louise, les cheveux caressés par les embruns salins, marchait vers le banc où elle savait qu’elle la trouverait, cette vieille dame devenue au fil du temps une amie, un guide spirituel. Le médaillon, toujours pendu à son cou, était un rappel constant de la fragilité de la vie et de la mystérieuse intervention qui l’avait sauvée.
Ce jour d’octobre 1885, lorsque le train « Grandville-Paris » s’était mis à tanguer de façon alarmante, Louise avait instinctivement saisi le médaillon, sentant une vague de chaleur l’envahir. Une mélodie de piano, protection invisible l’a aussi enveloppée et accompagnée face au chaos. Lorsque le train avait finalement déraillé, elle en était sortie étrangement indemne, entourée par la confusion et les cris.
Depuis, chaque fois qu’elle revenait à Granville, la présence de la vieille dame dans le port était un phare pour son âme tourmentée. Elle la trouvait toujours là, assise, les yeux plongés dans l’attente d’un retour impossible. Son homme était parti en mer, et bien que les années aient filé, son attente était restée, immuable comme la marée.
Louise s’était assise, comme à son habitude, aux côtés de la vieille dame sur le banc qui surplombait le port. La mer était calme ce soir-là, un miroir reflétant les couleurs du ciel qui passaient du bleu au rose et à l’orange.
La vieille dame, les yeux plongés dans le souvenir de l’horizon perdu, commença son récit, sa voix éraillée se mêlant au murmure des vagues. Elle parla des épaves échouées sur la plage, des squelettes de bois et de fer qui avaient autrefois fendu les vagues, fiers et majestueux. Elle contait avec une précision presque surnaturelle, comme si elle avait elle-même été témoin de ces navires dans leur heure de gloire, avant que le temps et la mer ne les réclament.
« Il y a le brigantin qui a combattu les tempêtes pour revenir au port, ses cales pleines de trésors des Indes, mais qui a été trahi par un récif caché, juste en vue de la terre.
Il y a aussi la goélette, qui a chanté avec les sirènes et dansé avec les vents, mais qui a été séduite par un mirage et s’est échouée sur le sable, laissant son équipage à la merci des éléments. »
Louise buvait ses paroles, imaginant ces navires animés par les récits de la vieille dame, leur bois craquant et leurs voiles flottant une dernière fois dans le vent avant de rejoindre l’étreinte éternelle de la mer.
« Et puis, il y a le trois-mâts, » murmura la vieille dame, une lueur triste dans les yeux.
« Il a quitté le port de Granville un jour de printemps comme aujourd’hui, emportant avec lui mon homme. Il promettait richesse et aventure, mais tout ce qu’il a ramené, c’est le silence et l’attente. »
« Ces épaves, Louise, ce ne sont pas de simples débris, » dit-elle,
« Ce sont les gardiens d’histoires oubliées, les sentinelles d’un passé qui refuse de sombrer dans l’obscurité. On dit qu’à marée basse, quand la Lune est pleine et que le vent parle dans le langage ancien, on peut entendre les échos de leurs histoires. »
Alors que le vent se levait maintenant, apportant avec lui les cris des mouettes et des goélands qui dansaient au-dessus des vagues, Louise sentait l’atmosphère se charger d’une énergie mystique. Les oiseaux semblaient jouer avec les courants d’air, leurs cris se mêlant aux récits de la vieille dame, comme pour souligner la vérité de ses mots.
Parmi ces oiseaux, un goéland particulier captiva l’attention de Louise. Il volait plus près, osant braver maintenant les rafales de vent avec une audace qui semblait presque humaine. Louise pouvait presque entendre ses pensées, un murmure dans le vent.
« Chaque épave a son conte, » poursuivit la vieille dame, captivée par le ballet aérien des oiseaux.
« Les épaves sont comme des phares, guidant non pas les navires, mais les âmes égarées vers leurs histoires.
Les oiseaux, le vent, et les embruns sont les messagers de ces légendes, portant leurs récits à travers le temps. »
Louise buvait ses paroles, les yeux rivés sur le goéland qui maintenant s’était posé non loin, observant les deux femmes avec une curiosité presque palpable. C’était un lien invisible qui unissait le ciel, la mer, et toutes les âmes qui partageaient ce moment suspendu dans le temps.
« La mer garde tout, Louise, » conclut la vieille dame en se levant lentement.
« Elle garde nos amours, nos pertes, et nos histoires. Mais parfois, elle les partage avec ceux qui savent écouter. »
Louise resta assise un moment, réfléchissant aux histoires entrelacées des épaves, de la vieille dame, et des oiseaux. Elle savait que demain, elle retournerait à sa table d’écriture, et sous ses doigts, les récits des épaves et des goélands prendraient vie, racontant leurs histoires non pas de bois et de toile, mais de mots et d’encre, un hommage éternel à la mer, à ses mystères, et à ceux qui, entre les vagues et le ciel, trouvent encore l’écho de voix anciennes.
Louise



⭐ Inspiration n°3

  • Tuy Nga Brignol

Couple d’oies cendrées sauvages : pour le meilleur et pour le pire !
Les oies cendrées sauvages s’accouplent « de manière assortie ». Les oiseaux plus grands choisissent des partenaires plus grands, et les plus petits choisissent des partenaires plus petits. Dans un couple donné, le mâle est généralement plus grand que la femelle.
Dans la nature, les couples d’oies se lient et restent ensemble toute la vie. En cas de disparition de l’un des deux conjoints, le survivant peut adopter un « veuvage définitif » ou un « célibat prolongé » avant de reformer un couple.
Durant la migration, la taille des groupes d’oies va du petit groupe familial jusqu’à des rassemblements de plusieurs milliers d’oiseaux. Le passage des oiseaux migrateurs est souvent repéré grâce aux cris fréquents, aigus et puissants qu’ils émettent.
Pendant la saison de nidification, la femelle couveuse émet des sifflements dissuasifs. Le mâle devient territorial et défend les abords du nid contre les intrusions. L’oie mâle (le jars) montera la garde à une courte distance du nid pour protéger la femelle et les œufs. Le jars peut devenir très agressif et attaquera toute personne ou tout ce qu’il considère comme une menace.
L’oie femelle restera assise sur son nid pendant vingt-huit jours, ce qui la rend parfois effrayante, surtout si elle et son compagnon protègent le nid de façon agressive.
Les bébés oies (oisons) peuvent marcher quelques heures après l’éclosion.
Une fois tous les oisons éclos, les parents essaieront d’éloigner leur nouvelle famille de la zone de nidification. La famille se déplace rapidement vers l’étang le plus proche pour protéger les bébés. Les parents continueront de s’occuper des oisons jusqu’à ce qu’ils soient en âge de voler, en général vers fin juillet, début août.
Une fois que les oies ont réussi à élever une couvée entière, leur système reproducteur s’arrête. Toutefois, si la première couvée d’œufs de l’oie échoue ou est détruite au début de la période d’incubation ou de nidification, les oiseaux peuvent nicher une seconde fois.
Ainsi les oies cendrées sauvages sont monogames et s’accouplent pour la vie avec des « taux de divorce » très faibles. S’agit-il d’un amour inconditionnel dans le respect des besoins et limites de chaque partenaire ?


  • Anaïse Tsiela

Chaque début de semaine, à l’heure où la nature se réveille, que la lune prend congé et que le soleil s’annonce, je pratique inlassablement et désespérément ce rituel qui m’incite à me lever au bord de cette eau bleue, à observer et à cogiter. Je me tiens debout là, en silence, sans bruit ni murmure, activant le mode hors ligne de mon esprit. Aucun autre son ne me caresse l’oreille en dehors de celui de la nature à travers lequel j’entends mon père me parler. Je me tiens debout là, tel un soldat saluant son supérieur pour son retour d’une longue et redoutable guerre. Les battements de mon cœur au rythme saccadé tel un tam-tam Batéké, se synchronisent parfaitement avec le bruit originel de l’atmosphère, de la nature et sa cadence douce harmonieuse. Chaque bruit d’herbes, d’oiseaux et du lac me transmet un message de la part du lion de ma tribu, du vaillant soldat, de mon incontournable fierté, des salutations de mon paternel.
Surprise, surprise ! Consacrant toute mon énergie à la méditation, à mon évasion sensationnelle, je reçois la visite de deux êtres aux apparences à la fois simples et sublimes, aux regards perçant la percée et aux plumages à la manière yin-yangaise. Deux êtres qui se sont invités sur ma zone de confort, sur ma passerelle avec l’autre côté, sur ma ligne téléphonique avec mon père. Ce sont deux oies qui, assurément, ont décidé de se tenir tout juste là, devant moi.
Une seule envie me vient à l’esprit à ce moment précis, celle de leur demander : “Eh ! Et bien, que faites-vous ici, chères demoiselles ? La vue m’est gâchée par votre apparition soudaine en provenance de nulle part. Laissez-moi me concentrer sur la mélodie, la berceuse de l’originalité, mon père me parle à travers chaque sonorité.”.
Mais soudain, en observant de près, je me suis convaincue d’accepter qu’elles ne sont pas très différentes de moi. Ces belles dames sans maquillage ni talon haut, sans perruque ni vêtement de marque, d’une beauté naturellement époustouflante, se tiennent debout l’une à côté de l’autre en maintenant l’intensité de leur regard scrutateur, un peu comme moi. La tête bien droite comme un mannequin en phase de défilé de mode face à un public ébloui, comme moi chaque matin. Ces magnifiques oies restent debout devant moi en face du lac bleu, le regard fixé vers l’avant comme s’ils assistaient tranquillement à une cérémonie à la fois d’enterrement et de résurrection, exactement comme je le fais sans cesse au début de chaque semaine. Sauf que moi, je le fais pour me sentir plus près de mon géniteur, plus près de mon mentor, de mon exemple, de mon modèle, de mon père.
Chaque fois que je réalise un exploit dans mon ennuyeuse vie, je prends mes jambes à mon cou et je me précipite vers ce petit coin paradisiaque et magique. Et là, l’éblouissement du paysage, indescriptible en usant la langue de Molière, me reçoit chaleureusement que s’il pouvait, il me prendrait dans ses bras, comme mon père. Ensuite, je me tiens debout calmement dans la plus haute des délicatesses, je ressens la nature m’applaudir pour mon exploit, je la ressens me féliciter et crier mon nom comme si j’étais une célébrité, comme le ferait mon père.
Maintenant que j’y pense ! Et si tel était le cas de mes invitées inopinées ? Oui, bien-sûr ! Où avais-je donc la tête ? Elles sont peut-être là parce qu’elles ont accompli des prouesses hors du commun dans leur communauté, mais que la seule personne qui pourrait les reconnaître et les féliciter à la hauteur de leurs exploits est aussi de l’autre côté de la perspective, tout comme mon père.
Oh ! Tout devient aussi clair qu’une eau de roche. Vous pouvez rester mesdames. Je ne suis pas le seul être sur la terre à vouloir me sentir spécial ou encore à vouloir me sentir plus près de la personne que j’ai aimé ou que j’aime le plus. Sentez-vous libre et concentrez-vous sur la voix de la personne que vous souhaitez écouter. Vous serez surpris de l’entendre vous parler à travers le langage musical de la nature. J’espère juste que votre interlocuteur ne parlera pas trop fort de peur d’étouffer la tendre voix de mon aimable père.
Honte à moi ! J’ai bien failli vous juger sans pour autant apprendre à vous connaître en amont. Si je ne vous avais pas observé de près, je n’aurais jamais su que vous traversiez la même situation que moi. En guise d’excuse, je vais vous donner un conseil que vous devrez garder jalousement et transmettre à votre descendance : mesdames oies, quoique vous ayez accompli dans votre vie d’oiseau, n’oubliez surtout pas qu’il faut que vous commenciez d’abord par être fière de vous-même et les autres le seront aussi par la suite. C’est ce que mon père m’a toujours dit. Bonne méditation à vous mesdames oies, mes très chères invitées !


  • Mickaël Wynands

Le vieil hibou
Durant une journée couverte par un ciel gris, la pluie tambourine un grand chêne. Dans son tronc, un vieil hibou sommeille sous les battements rythmiques de l’averse. La nuit n’est pas encore tombée, ce n’est pas encore l’heure pour lui de s’envoler.
Ses grands yeux à moitié ouverts, il regarde une branche où un moineau s’est posé, trop occupé à picorer les insectes sur l’écorce pour le remarquer. Non loin de là, au pied de l’arbre, un gros chat roux guette patiemment. Le vieil hibou a vu de nombreux oiseaux, allant du volatile gracieux au charognard gourmand. Tous se sont posés sur ce chêne à un moment.
Ses vieilles ailes ne sont plus. Jadis, il volait jusqu’à la cime du ciel pour toucher la lune et gouter ce sentiment que lui comptaient les grands rapaces. Mais plus maintenant, il ne lui reste que des plumes usées par le temps.
La pluie est passée et dans la prairie, de petits escargots pointent le bout de leurs antennes. Ces petits porteurs d’armures sont un mets de choix pour la grive qui passe. En voilà justement deux, qui s’apprêtent à déguster leur petit en-cas.
Le temps passe et le soleil est revenu. Une pie se pose sur la branche et commence à lisser son plumage luisant sous l’œil attentif du hibou. Elle est gracieuse et belle, à l’image de son nid qui s’illumine dès que la lumière l’éclaire. Avec un meilleur caractère, elle aurait fait une parfaite voisine.
Dévoré par l’horizon, le soleil laisse place à un croissant de lune. Et lorsque tous les autres sont endormis, le vieil hibou s’éveille. Les yeux brillants, cherchant la nourriture de ce soir. Le vieillard décrépi agite ses ailes d’envergure, prêt pour un nouvel envol. Il ne faut pas sous-estimer le vieil hibou du chêne. Le temps n’a pas émoussé ses serres, tandis que son bec porte des cicatrices d’antan. Il n’a peut-être pas la grâce de la pie, la vitesse du moineau ou l’intelligence du corbeau, mais seuls ses ennemis pourraient expliquer pourquoi il est encore là. Et des ennemis, il n’en a plus.
Dans la pénombre, une ombre se profile pour ceux qui peuvent la voir. Elle transperce le ciel à la recherche de son repas. Si le jour, il est chez soi, la nuit, il est le roi. D’une rapide piquée, il attrape une petite souris. Sous les serres puissantes, la pauvre ne peut que se débattre et plaider auprès lui.
Mais rien n’y fait, la miséricorde ne remplit pas l’estomac et la souris finira en repas. Longtemps dure la nuit pour le hibou. Sous ses grandes ailes, son vieux corps s’élève jusqu’à voir le haut du ciel. Son ombre grandit et toutes les ténèbres deviennent son repaire.
Le monde nocturne est si brillant de vie. Les lucioles transforment la terre en tapis étoilé. La prairie lumineuse accompagne la voûte céleste dans une danse fusionnelle et infinie. Si haut dans la nuit, le monde se confond.
Repu, il se pose sur la branche d’un vieux saule. L’air se réchauffe et chaque jour plus que le précédent annonce l’arrivée du printemps. Les longues nuits d’hiver laisseront bientôt place aux longues journées d’été.
Ce cycle éternel a toujours fasciné le vieil hibou. Lorsque la neige disparaît, les bourgeons apparaissent. Lorsque les bourgeons disparaissent, les fleurs apparaissent. Lorsque les fleurs disparaissent, les feuilles pourpres apparaissent. Et lorsque les feuilles pourpres tombent enfin, la neige blanche revient. Et tout recommence encore et encore.
Le crissement des grillons est audible de partout et les lucioles couvrent toujours le champ d’une vague de lumière. Si vieux, est ce vieux roi sans reine. Il a volé au-dessus de toute la vallée, chassé les serpents et les rongeurs, défendu son territoire face aux pires horreurs. Mais le voilà, au-dessus de tout, sans ennemi ni compagnie. Que lui faut-il ?
Soudain, un magnifique hululement retentit. Faisant frémir toutes les plumes du vieil hibou. Il y répond avec une vigueur nouvelle et pousse un rugissement qu’il n’a poussé que dans ses plus jeunes années. Son appel obtient rapidement une réponse et le hibou s’envole avec toute la puissance que ses ailes lui donnent. Il vole plus haut qu’il n’a jamais volé, plus loin qu’il n’a jamais essayé, plus vite qu’il ne l’a jamais fait. Tout est donné pour atteindre le doux son.
Sans s’arrêter, le hibou arrive à un grand hêtre. Sur son sommet, un hibou femelle est posée. Sous le clair de lune, son plumage duveteux brille comme des étoiles. Ses aigrettes élégantes accompagnent de beaux yeux rouges étincelants comme des rubis. Et le vieil hibou comme jamais auparavant, pousse un cri surpuissant qui couvre la vallée.
En cette belle nuit de printemps, deux hululements se répondent.
L’hiver est fini, le printemps est arrivé.
Sous un ciel ensoleillé se trouve un grand chêne. Un nid de moineaux s’est logé sur ses branches tandis qu’en bas de l’arbre, un couple de chats guette pour un repas. Dans le tronc, deux hiboux sommeillent en attendant la nuit. Le soleil se couche tandis que deux hululements sont entendus depuis l’arbre.
Non loin de là, un homme est assis sur l’herbe et observe les deux oiseaux.
Un sourire aux lèvres, il regarde le ciel et déclare :
Les oiseaux de Minerve s’envolent toujours au crépuscule.


  • Julyago

O-I-E. N’est-ce pas joli comme suite de lettres ? Composé uniquement de voyelles, ce tout petit mot définit pourtant une grande famille de volatiles, de grands volatiles. Cet animal, souvent cantonné à la basse-cour, me semble être tellement plus … Par bien des comportements, il est majestueux. Je me souviens, petite, je m’amusais à les nourrir au travers du grillage. A force de les faire tourner en bourrique, à passer la feuille de salade et la retirer lorsqu’elles approchaient, l’une d’elle m’a bien fait comprendre qu’on ne s’amuse pas avec la nourriture. Elle a glissé son long cou au travers d’un des espaces et à l’aide de son bec, qui allonge encore son rayon d’atteinte, elle a saisi ma peau et incliné la tête comme pour majorer la douleur. Je ne m’y attendais pas du tout, j’ai été saisie. Elle m’avait pincée et me sifflait maintenant dessus ! Le message était bien passé : je lui ai jeté toutes les feuilles de salade en ma possession et me suis sauvée en courant. Elle m’avait fait prendre une leçon. Et je peux vous dire que depuis j’ai bien grandi, mais je retiendrai cela à vie. On en a eu des oies, elles sont tellement pleines de surprises…Elles sont capables de faire preuve d’autorité comme conté ci-dessus ou en étant des gardiens d’exception. En effet, le moindre intrus sur son territoire et l’alarme se déclenche ! Ce cri perçant et si propre à cet oiseau est un signal sûr qu’il se passe quelque chose d’anormal. Mais elle sait aussi faire preuve de tellement de douceur … Son rôle de parent est pris au sérieux. La femelle gère le nid, le male protège la femelle et sa progéniture. Si un indésirable s’approche, la maman recouvrira de ses grandes ailes réconfortantes ses petits et le papa ira au combat, si la situation le nécessite. Ne sous-estimons pas leurs pouvoirs de dissuasion. Ils forment une belle équipe. Et quelle équipe ! De ce que j’en sais, un couple d’oies est fidèle et complice. Enlevez un des deux individus, et vous connaîtrez la détresse du second. La tristesse de l’oie restante est présente, touchante et ressentie durant une longue période. Elles ont ce côté humain qui leur confère une sympathie notoire. Elles peuvent aussi être de joyeux compagnons de l’humain. Une oie domestiquée aura des comportements similaires à ceux d’un chien avec son maître. Je me souviens de Saturnin qui suivait mon père partout…un vrai pot de colle ! Autant de traits de caractère qui en font, à mon sens, des animaux bien plus affectueux qu’on pourrait le croire. Lorsqu’elles sont sauvages, elles ont cette liberté des grands espaces, comme le chante si bien Michel Delpech. Lorsqu’il les observe, elles lui font renoncer à son activité de chasse. Observez un vol d’oies sauvages, il ne vous laissera pas insensible. Elles volent toujours en groupe. Celui-ci forme un V, comme s’il y avait une hiérarchie naturelle avec, à la tête, le guide, et ensuite chacun aurait un rôle bien précis. Il est rare de voir ce V se disloquer, le groupe reste soudé, solidaire et coordonné. Elles se déplacent ainsi au rythme des saisons et annoncent leur passage avec leurs cris mélodieux et reconnaissables. Pour moi, un vol d’oies sauvages, reste un moment suspendu dans le temps qui me fait stopper ce que je suis en train de faire pour pouvoir profiter du spectacle. Je ne peux pas m’empêcher de suivre le convoi des yeux, jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’horizon. Je pense que l’être humain gagnerait en qualité de vie s’il prenait le temps d’observer, de vivre l’instant, et d’apprécier ces petits riens qui font tout. On a tout a gagner à donner de l’importance à la nature qui nous entoure, à revenir à l’essentiel, à l’image d’un vol d’oies sauvages.


  • Chloe Boatowner

Histoire naturelle. Entre tous les oiseaux qui peuplent l’étang, ceux que je déteste le plus sont les oies. Comme bon nombre de prédateurs à plumes, elles s’amusent de nos chairs qui, d’après eux glissent facilement sous leurs langues et leurs palais tellement elles semblent lisses. Ce n’est pourtant pas pour cette raison que je les exècre ; c’est à cause de leurs airs dédaigneux et supérieurs : elles s’imaginent cousines des cygnes avec leurs plumes blanches et leurs longs cous. Les oies se croient les reines du point d’eau. Les reines des commérages, oui ! Toujours à l’affût des potins. Et si elles n’ont rien de croustillant à se mettre sous le bec, elles inventent des histoires. Elles sont pour la paix des ménages, moi je vous le dis ! Un jour, elles observaient mes enfants et ceux de mon frère, nagés dans l’eau. Elles ont insulté ma femme de poule pondeuse et moi de volage ! Depuis leurs cancans, ma femme me fait une crise de jalousie chaque soir ! Vivement les saisons froides, qu’elles repartent !


A bientôt 💋

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